La guerre hybride gréco-turque *(1)

Les relations entre la Grèce et la Turquie ne sont pas au beau fixe ; c’est le moins que l’on puisse dire. La Turquie, pays de plus de 80 millions d’habitants, puissance régionale incontestable et qui se rêve en grande puissance, mène une politique agressive à l’égard de ses voisins. Cette politique, qualifiée de néo-ottomane depuis l’accession au pouvoir de Recep Tayyip Erdogan, prend des formes diverses, suivant les circonstances.

Cependant, une constante caractérise le comportement turc envers la Grèce : la pression permanente, sans relâche et sans répit. Une guerre hybride menée par la Turquie depuis des années.

L’instrumentalisation par la Turquie des migrants est le dernier épisode en date. En poussant, début 2020, des milliers d’entre eux vers la frontière grecque (maritime et terrestre), Ankara renforce considérablement la pression sur Athènes ; tout le monde a encore en tête les images de centaines de milliers de migrants débarquant sur les côtes des îles grecques de la mer Égée, avec son lot de drames…

Nombreux sont les analystes en géopolitique qui penchent vers l’existence d’un plan fomenté par les différents services turcs, maintenant une attitude agressive à l’égard de la Grèce.

Au-delà de l’instrumentalisation des migrants, la Turquie mène une autre attaque coordonnée et parallèle contre la Grèce. Il s’agit de la diffusion massive et ciblée d’informations dans les médias occidentaux, notamment ceux des Etats-Unis, du Royaume-Uni, de l’Allemagne et de la France, avec l’intention de déstabiliser la Grèce, en la décrédibilisant et en la présentant comme un pays hostile aux droits de l’homme et au droit d’asile.

Il s’agit d’une guerre qui ne dit pas son nom. La Turquie, par le lobbying et la désinformation tente de nuire à la Grèce, tentant par la même occasion de cacher ses propres insuffisances sur le respect des droits de l’homme, de l’État de droit, de la liberté de la presse et d’expression ; un soft power agressif en quelque sorte, qui essaie d’inverser la situation.

Ces fausses informations étaient relayées et appuyées par le sommet de l’État turc, au moment où la multiplication d’informations dans la presse était à son apogée. De cette manière la décrédibilisation de la Grèce s’accompagnait d’un « crédit » à l’égard de la Turquie et de ses dirigeants (en tout cas, c’était l’objectif turc).

Ce soft power du lobbying et de la diffusion de fausses informations, est utilisé en complément au hard power que constituent dans ce cas précis, les migrants. Et ce n’est pas un hasard si la grande majorité de ces migrants, qui se sont déplacés vers la frontière turco-grecque à l’appel du gouvernement turc, étaient des Pakistanais, des Afghans ou encore des Maghrébins. Les Syriens étaient bizarrement absents…

Les fausses informations qui ont circulé concernaient, entre autres, la mort par un tir grec d’un migrant, les tirs à balles réelles de la police et de l’armée grecques contre les bateaux des migrants, les vols purs et simples des biens des migrants, les trafics en tout genre, etc, etc…

De nombreux migrants ayant témoigné dans les médias (surtout occidentaux) étaient trop bien informés et capables de manier à merveille les ficelles de la communication pour être totalement exempts de suspicion d’être manipulés ou manipulateurs.

Sur ce point, un article du New York Times *(2) , daté 10 mars 2020, est un modèle du genre : il faisait état de « camps de détention secrets » opérés par les autorités grecques et d’utilisation de tirs à balles réelles, sur la base d’un témoignage d’un réfugié syrien. Ensuite, le journal a été obligé de rectifier car le « réfugié syrien » avait en réalité un passeport turc !

La stratégie du gouvernement turc est, à mon sens, évidente : « constituer des abcès aux portes de l’Europe » et « organiser régulièrement des intrusions » afin de maintenir la pression et le climat de guerre contre la Grèce et la pression permanente sur le vieux continent.

L’objectif étant toujours le même : obtenir le plus possible tant au niveau économique et financier que politique avec un éventuel soutien face à la Russie (aussi bien sur le front syrien que libyen).

D’ailleurs, les demandes de Recep Tayyip Erdogan auprès de Bruxelles ont été claires : obtenir plus d’aide économique pour faire face au problème des réfugiés, obtenir la libéralisation des visas d’entrée dans l’Union européenne pour tous les citoyens turcs et, enfin, débloquer les négociations d’adhésion de la Turquie dans l’UE avec, dans un premier temps, l’ouverture de cinq chapitres de l’acquis communautaire. Ce dernier point mérite une petite explication supplémentaire : les cinq chapitres demandés par la Turquie sont ceux que la République de Chypre bloque unilatéralement car la Turquie ne reconnait pas Chypre et n’applique pas l’Union douanière qu’elle a avec l’Union, à Chypre. Cela équivaut à une demande turque d’écarter Chypre et d’ignorer l’existence de l’occupation turque de la partie nord de l’île, territoire, rappelons-le, faisant partie de l’Union européenne.

Une autre information importante sur les migrants vivant en Turquie n’a pas fait l’objet de la couverture médiatique qu’elle méritait : non seulement la Turquie laisse (ou plutôt, pousse) les migrants à se rendre à la frontière grecque, mais également elle déploie des renforts pour empêcher la Grèce de repousser les migrants.

La grande crainte de l’Union européenne, et surtout des pays situés en première ligne, c’est-à-dire les pays frontaliers de la Turquie, c’est d’avoir à affronter une agression turque. En clair, la crainte de la Grèce et de Chypre, c’est que la Turquie, en proie à de problèmes internes – économiques et politiques – et en proie à des problèmes au niveau de ses interventions extérieures où elle a récemment connu la défaite, ne cherche à tout prix à obtenir un succès militaire, une victoire « extérieure ».

*(1) D’après un article de l’auteur, paru dans Europe & Orient, No 30, janvier-juin 2020.

*(2) ‘We Are Like Animals’: Inside Greece’s Secret Site for Migrants

Charalambos Petinos
Historien et écrivain

Επικοινωνία – Contact : info@diaspora-grecque.com

http://diaspora-grecque.com/modules/altern8news/article.php?storyid=6602

Agop Terzan – In Memoriam

Il avait les yeux dans les étoiles

L’astrophysicien, Jacques Agop Terzan vient de les rejoindre pour l’éternité. 
Né à Istanbul en 1927, il avait obtenu son baccalauréat en sciences mathématiques et astronomiques en 1945.

Titulaire d’une maîtrise en astronomie en 1949 et d’un doctorat de l’Université de Lyon en 1965, il découvrira des centaines d’étoiles, dont Terzan 5 et Terzan 7 (en 1968).

Il était membre du Comité national d’astronomie Français et de l’Union astronomique internationale (UAI).

Il nous a quittés le 4 avril 2020.

Nous adressons nos sincères condoléances son épouse Marie Ange, et à ses enfants Laurence, Frédérique et Richard.

Nersès Durman-Arabyan
Paris, le 5 avril 2020

Patrick Devedjian – In Memoriam

Le 28 mars 2020, nous avons appris avec tristesse le décès de Patrick Devedjian, ancien maire d’Antony et Président du Conseil Départemental des Hauts-de-Seine.

Quelques jours auparavant, hospitalisé à l’Hôpital Privé d’Antony, il saluait le dévouement du corps médical dans sa lutte contre le Coronavirus.

Né en 1944, Patrick Devedjian était avocat au barreau de Paris. Membre du RPR, dont il fut le porte-parole, puis de l’UMP, il était l’un des proches de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy.

Élu député de la 13ème circonscription des Hauts-de-Seine et maire d’Antony, il restera toujours fidèle à ses origines

Présent aux commémorations du 24 avril lors desquelles nous avions le plaisir de le rencontrer, Patrick Devedjian était un ardent défenseur de la cause arménienne. On se souvient de son vibrant discours au Palais Bourbon lors de l’adoption de loi par laquelle la France reconnaissait en 2001 le Génocide des Arméniens.

Soutien du Fonds Arménien de France, il participera à des initiatives de développement économique en Arménie. La communauté arménienne de France perd un de ses plus grands représentants ; l’Arménie un de ses fils ; la France un homme politique courageux et engagé.

Nous adressons nos sincères condoléances à son épouse Sophie, à ses enfants et à ses petits-enfants et à toute sa famille.

Nersès DURMAN

Requiem pour Vartan OZINIAN

Samedi le 12 octobre 2019 en la Cathédrale Arménienne de Paris
Communiqué de la Mémoire des Arméniens de France pour la Postérité  MAFP

REQUIEM

Vartan Ozinian

L’Association des anciens Elèves du Lycée arménien Guétronagan d’Istanbul, section Paris, fait célébrer un Office de Requiem pour l’âme de son feu président, M. Vartan H. OZINIAN, à l’occasion du 40ème Jour de son décès, en union avec la sœur du défunt, Mme Marie Karakachian.

Le samedi 12 octobre 2019, à la fin de la Messe de 11 heures,en la Cathédrale Arménienne, 15 rue Jean Goujon, 75008 Paris.

Ce jour coïncide avec la Fête des Saints Traducteurs Arméniens (ceux qui ont inventé l’alphabet et traduit la Bible au début du 5ème siècle).

Le Défunt avait coutume de célébrer cette Fête solennellement par l’intermédiaire de son Association. Aussi, en souvenir et pour perpétrer cette coutume, ladite Association fait célébrer en même temps un office de requiem pour les âmes de tous les fondateurs, bienfaiteurs, proviseurs, enseignants et élèves du Lycée Guétronagan.

A la même occasion, Mme Marie Karakachian, ainsi que les familles Kevorkian et Tchilinguirian font célébrer l’office de requiem pour les âmes de tous leurs défunts.

MAFP COMMUNIQUE

Le Génocide des Arméniens a débuté il y a 104 ans par la rafle des intellectuels arméniens de Constantinople.

Le plan d’extermination des Arméniens par ses bourreaux n’aura pas réussi à effacer l’existence de tout un peuple. Malgré l’horreur, l’Arménie est toujours là, debout, plus forte encore. Et les Arméniens n’oublient pas les leurs, tombés dans les déserts, sans sépulture.

Le 13 avril 2019 à 16h30, dans le Parc de Sceaux (Antony), lors d’une cérémonie du souvenir devant l’Aigle d’Arménie (œuvre de Toros), nous avons déposé une gerbe en nous inclinant devant la mémoire de nos martyrs.

Le 18 avril 2019, nous avons offert à la Cathédrale Arménienne un carton de cartes postales pour la collecte du sang afin qu’elles soient distribuées par les jeunes de Paris, Lyon et Marseille. Ces cartes postales avaient été éditées lors du 100ème anniversaire du Génocide des Arméniens et diffusées au mois d’avril 2015.

Le 23 avril 2019, nous avons envoyé ces mêmes cartes postales :

À Monsieur président de la République Française

À Monsieur le Premier ministre

Aux présidents de groupes politiques de l’Assemblée Nationale

Aux présidents des groupes politiques du Sénat

Aux directeurs des journaux de Paris, Marseille, Lyon et au journal Haratch

Et à l’Établissement Français du Sang (EFS)

Nous les avons également adressées aux Ambassades et Consulats des pays suivants :

Arménie, Uruguay, États-Unis, Brésil, Cuba, Venezuela, Liban, Syrie, Jordanie, Égypte, Israël, Australie, Canada, Argentine, Belgique, Suisse, Italie, Serbie, Grèce, Chypre, Espagne, Portugal, Royaume-Uni, Pays-Bas, Danemark, Suède, Allemagne Fédérale, Autriche, Iran, Géorgie, Chine et Russie.

Vous trouverez ci-inclus un message de nos amis grecs et chypriotes pour le 104ème anniversaire du Génocide des Arméniens. Depuis 1974, le tiers de l’Ile de Chypre est soumise à l’occupation de l’armée turque.

Nos amis grecs et assyro-chaldéens furent également les victimes des massacres de masse organisés par le même bourreau, celui des Arméniens.

Nersès Durman-Arabyan
Antony le 25 avril 2019

L’église circoncise de la Sainte Croix d’Aghtamar

Toujours d’actualité

Eglise Sainte-Croix Aghtamar

La culture c’est l’ADN d’une nation. L’extermination d’un peuple plusieurs fois millénaire pour s’approprier son héritage est voué à l’échec. L’ADN d’une nation révélera toujours son identité. En conséquence, la culture arménienne restera à jamais vivante dans la mémoire universelle.

Tout au long de l’histoire, les collectivités humaines ont vécu dans différentes contrées. Elles y ont créé leur culture, leur religion, et par conséquent des symboles qui représentent leur identité. L’UNESCO est une organisation internationale qui consacre des fonds pour rechercher et préserver le patrimoine de l’Humanité. Plusieurs fois millénaire, le peuple arménien, qui fut l’objet de bon nombre de persécutions et de massacres, a affirmé son identité dans les registres de la mémoire universelle. En Arménie, le seul vestige qui demeure de l‘époque païenne est le temple de Garni. Après avoir opté pour le christianisme comme religion d’État en 301, l’Arménie a construit des églises ; certaines reposent sur les fondations de temples païens, c’est le cas de la Sainte Église d’Etchmiadzine. L’Arménie historique a compté des milliers d’églises, de monastères, de chapelles, d’écoles et d’hôpitaux. Après le génocide de 1915, tous ces vestiges ont été détruits comme pour en effacer l’existence. La ville d’Ani que les Turcs appellent « Ane » ce qui signifie « Souviens-toi » se trouve sur l’actuel territoire de la Turquie. Ani était célèbre pour ses mille et une églises. Ancienne capitale de l’Arménie, elle fut complètement détruite.

Suite à l’anéantissement des Arméniens sur leurs terres ancestrales, leurs églises furent dans le meilleur cas reconverties en étables ou en granges. Au milieu du lac de Van, sur l’île d’Aghtamar (« Ak Damar » pour les Turcs, à savoir « la veine blanche »), les Arméniens avaient érigé au 10ème siècle une église, celle de la Sainte Croix. Cet édifice nécessitait des travaux de restauration. La Turquie les entreprit et, le 29 mars 2007, le bâtiment fut inauguré comme musée. La croix dressée sur son dôme avait été supprimée afin de ne pas donner au lieu son caractère sacré. Ainsi, la Turquie avait circoncise l’église la Sainte Croix d’Aghtamar, qui reste et demeure un symbole dans la mémoire nationale arménienne. Pour les Arméniens, il existe un nombre incalculable de vestiges qui ont subi le même sort, la même amputation, comme ces cohortes de femmes et ces jeunes filles enlevées, torturées et violées sur les routes de l’exode. Depuis 92 ans, les rescapés de ce peuple génocidé qui ont constitué partout dans le monde une diaspora ont été les témoins oculaires de la tragédie de 1915.

La Turquie ne se servirait-elle pas de l’inauguration de l’église musée de la Sainte Croix d’Aghtamar pour faire valoir aux yeux du monde son attachement aux valeurs universelles ?

La Turquie actuelle, candidate aux examens d’entrée dans l’Union européenne, a concédé quelques libertés de façade à son peuple. Après l’assassinat de Hrant Dink, plusieurs milliers de Turcs se sont réveillés pour sortir de leur engourdissement. En Asie mineure (Anatolie), des centaines de milliers d’Arméniens islamisés recherchent leurs racines, leurs ancêtres, leur passé. Le gouvernement turc ne leur mettra-t-il pas des bâtons dans les roues afin d’empêcher ceux d’entre eux qui le désireraient de se faire baptiser dans l’église de Saint Grégoire l’Illuminateur ?

Nersès Durman
Septembre 2014

Ignorance ou Marchandage du Génocide des Arméniens

Le 30 mai 2018, la Knesset (Parlement israélien) allait examiner la question de la reconnaissance du génocide des Arméniens.

Raphaël Lemkin
Raphaël Lemkin

Cependant, le rapporteur de la proposition Yuli-Yoel Edelstein n’avait pas inscrit cette question à l’ordre du jour arguant du fait que le vote des parlementaires ne rassemblerait pas une majorité suffisante pour son adoption.

Si malheureusement la crainte de ce rapporteur correspond à la réalité, il est douloureux d’admettre que des députés israéliens porteurs de la mémoire de la Shoah puissent ignorer l’existence du génocide des Arméniens.

La civilisation arménienne perdure depuis des millénaires. Cependant, durant des années, le peuple arménien a dû faire face à des attaques constantes bien qu’il fut toujours considéré comme une « nation fidèle » rendant d’immenses services aux autres pays ce qu’attestent de nombreuses archives historiques.

Le 24 avril 1915, à Constantinople, le gouvernement turc a minutieusement préparé la déportation et le massacre de plusieurs centaines d’intellectuels et de notables arméniens puis a poursuivi son action dévastatrice en Arménie occidentale en exterminant 1,5 millions d’hommes, de femmes et d’enfants.

Si le crime de génocide perpétré contre les Arméniens en 1915 avait été condamné de façon exemplaire par la justice internationale, jamais le peuple juif aurait été victime de l’extermination nazie lors de la seconde guerre mondiale.

Le 22 octobre 1939, Hitler n’aurait-il pas dit devant ses officiers : « Qui donc se souvient encore du massacre des Arméniens ? »

En 1944, la notion de génocide fut créée par le juriste juif polonais Raphaël Lemkin, en prenant pour exemple le génocide des Arméniens.

La question de la reconnaissance du génocide des Arméniens a souvent été la source d’un odieux marchandage dans les relations interétatiques avec la Turquie. Malheureusement, force est de constater que les nations dites civilisées recourent systématiquement à ce stratagème pour bénéficier de contrats juteux.

Le Génocide est la douleur lancinante du peuple arménien dont il souffre depuis plus d’un siècle. La non-reconnaissance et la négation du génocide des Arméniens exaspèrent et répugnent les jeunes arméniens descendants des rescapés du génocide. Certains esprits ignorants plongés dans les ténèbres devraient s’éclairer grâce aux témoignages des rescapés du génocide et des documents transmis par les chercheurs et les historiens internationaux.

L’Arménien doit faire preuve de patience dans un esprit unitaire pour déjouer les pièges tendus par ses adversaires.

Nersès Durman-Arabyan
Paris le 31 mai 2018

Syrie : Guerre ou Manœuvres militaires ?

Le dénommé « Printemps arabe » qui a pris source en Tunisie s’est étendu de l’Afrique du Nord à la Syrie de Bachar El Assad. Avec l’appui de l’Occident et des États-Unis, les opposants au régime syriens comptaient renverser le président élu en exercice. La résistance de Damas et de son armée a permis d’affronter les assauts d’une opposition hétéroclite, renforcée par des éléments étrangers. Ni l’Occident ni les États-Unis par le bras armé de l’OTAN n’ont osé intervenir directement en Syrie comme ils l’avaient fait auparavant en Libye afin de renverser Kadhafi et l’assassiner lors des bombardements. La disparition du leader libyen a favorisé l’implantation de l’organisation État islamique (EI), soutenue par l’Arabie Saoudite. L’organisation terroriste a profité de la déliquescence de la Libye pour s’emparer d’un arsenal militaire et développer des camps d’entrainement. En se structurant en Irak et en Syrie sur un large territoire, comme base d’un nouveau Califat, l’EI s’est rendu coupable de crimes contre l’humanité envers des populations non-musulmanes, principalement chrétiennes, tout en ciblant les Kurdes, les Alevis ou les Chiites. Leur action destructrice s’est étendue aux vestiges archéologiques et historiques millénaires de ces régions.

Armée syrienne lors des combats urbains

L’épisode libyen s’est fait au profit de l’Occident et des États-Unis, laissant un goût amer à la Russie qui avait investi énormément en Libye. Il était à craindre que la menace s’étende à la Syrie. Le régime syrien semblait avoir du mal à contenir des mouvements de mercenaires affiliés à l’État islamique et à Al Qaida, ayant noyauté la véritable opposition démocratique réduite à peau de chagrin. En demandant l’aide militaire à la Russie, Damas jouait sa dernière carte. La Russie installa une base aérienne à Hememin et renforça sa présence militaire dans sa base maritime de Tarsous sur la Méditerranée.

Durant la crise syrienne, la Turquie avait ouvert sa frontière avec son voisin, permettant d’accueillir des réfugiés fuyant la guerre civile, installés dans des camps de fortune. Ankara reçut à ce titre plusieurs milliards de dollars de l’Union Européenne pour son action humanitaire. La Russie livra du matériel militaire en Syrie par mer et par air à destination de ses implantations. La Turquie ne put empêcher le passage des navires russes par ses détroits du Bosphore et des Dardanelles, selon un accord signé avec la Russie. Il faut néanmoins rappeler que l’aviation turque intercepta un avion civil russe transportant des touristes et que la chasse turque abattit un avion militaire russe le 24 novembre 2015 au-dessus de la frontière syrienne.

Le 16 juillet 2016, un coup d’État contre Erdogan avorta et la reprise en main du pouvoir par le président turc fut le théâtre d’une répression sans précédent. Le 19 décembre 2016, Andreï Karlov, ambassadeur russe en Turquie, fut abattu par un policier turc de 22 ans, Mevlut Mert Artintaş. La crise entre la Turquie et la Russie fut à son paroxysme. La Russie exigea des excuses et des réparations, infligeant à la Turquie un embargo sur le commerce et le tourisme. Cet événement rappelait l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand, qui fut le prélude de la Première Guerre mondiale.

Était-on proche d’une Troisième guerre mondiale ?

La sagesse l’a heureusement remporté. Erdogan a présenté ses excuses à Poutine, la Russie a partiellement levé les sanctions contre la Turquie.  Le 13 septembre 2017, la Turquie, membre de l’OTAN, a signé un contrat pour l’achat de quatre S-400 russes pour la défense aérienne, irritant l’Occident et les États-Unis.

Au cours d’exercices conjoints en septembre, baptisés Zapad 2017, la Russie et la Biélorussie ont fait la démonstration de leur haute-technologie militaire. La Russie semblait particulièrement satisfaite des opérations sol, mer, air. Un nombre importants d’attachés militaires étrangers assistaient à ces exercices. Normalement, ces manœuvres ne visent qu’un ennemi imaginaire où tout n’est que simulation, sauf en cas d’accident.

La Turquie s’est rendu compte de son intérêt en se rapprochant de la Russie. Ainsi, Erdogan ne demande plus le départ du président Bachar El-Assad. La Russie et l’Iran jouent un rôle majeur dans la région, et la Turquie ne peut l’ignorer. Le soutien de la Russie a permis à l’armée syrienne de reprendre le contrôle d’Alep, Hama, Homs, Ouyarabat, Akerbat et de Deïr-ez-Zor. De son côté, la Russie a eu l’opportunité tester ses capacités militaires en grandeur réelle, tout en faisant une démonstration de force. Par des bombardements ciblés de son aviation, tirs de missiles à partir de sa flotte en mer Caspienne, de ses destroyers et sous-marins en Méditerranée, que certains qualifiaient de lac russe. La Russie a réduit efficacement les positions de l’Etat islamique en Syrie. Il n’est pas étonnant qu’Erdogan ait changé de camp.

À la question d’un journaliste : « Quand il y aura une guerre atomique entre les Etats-Unis et la Russie, d’après vous qui sera vainqueur ? » Poutine aurait répondu : « Personne, car ce sera la fin de l’Humanité. »
Espérons que la sagesse des dirigeants prime et qu’ils choisiront la voie de la vie plutôt que celle de la mort.

Nersès Durman-Arabyan
Octobre 2017