L’histoire du peuple arménien est marquée par des tragédies meurtrières, des massacres du XIXème siècle au génocide de 1915.
Depuis son indépendance, l’Arménie et l’enclave du Haut-Karabagh (Artsakh) furent les cibles régulières d’attaques azerbaïdjanaises. La dernière agression, fin septembre 2020, dura 44 jours. Elle se solda par la défaite des Arméniens qui ne purent endiguer la supériorité numérique et technologique de l’Azerbaïdjan et de la Turquie, appuyés par des mercenaires syriens.
Depuis quelques jours, l’Arménie se trouve de nouveau pilonnée par les soldats de l’Azerbaïdjan et une nouvelle fois le silence assourdissant de la communauté internationale face à cette énième agression est insupportable.
Le Haut-Karabagh (Artsakh) est une terre historiquement arménienne dévolue à l’Azerbaïdjan pendant l’ère soviétique.
Combien de jeunes Arméniens doivent-ils mourir, combien de villages doivent-ils être anéantis et de monuments doivent-ils être détruits pour que des voix s’élèvent pour condamner les bourreaux du peuple arménien ?
L’Azerbaïdjan cherche à écarter la France de l’échiquier politique dans le Caucase en demandant son exclusion du groupe de Minsk.
L’Arménie a besoin de soutien et celui-ci ne peut venir que d’une diaspora forte et organisée, ainsi que de ses amis français.
Pour se faire, notre association MAFP avait conçu en juillet 2015 la création de CFA (Comités franco-arméniens).
Nous exhortons donc tous les élus français et arméniens à s’approprier ce projet que nous avons certes initié mais que nous voulons universel. La survie de l’Arménie est à ce prix !
Alors que l’épidémie de coronavirus affectait dans le monde entier n’épargnant pas l’Arménie, la Turquie et son pays frère l’Azerbaïdjan entamaient leurs manœuvres militaires près de la frontière arménienne au mois d’août 2020. Un mois plus tard, le 26 septembre, l’armée azerbaïdjanaise, encadrée d’officiers turcs et renforcée par des djihadistes venus de Syrie, attaquait l’Artsakh. 44 jours durant, les soldats de l’Artsakh soutenus par des volontaires venus d’Arménie allaient héroïquement défendre leurs terres ancestrales avec un armement dérisoire face au matériel sophistiqué de l’Azerbaïdjan. Ce combat certes inégal fut essentiellement dû à la corruption sévissant en Arménie, depuis des années, à l’image du ministre de la Défense détournant à son profit l’argent prévu pour armer les soldats. Malgré la bravoure de ces derniers, il fallut épargner vies de d’autres jeunes recrues. Grâce à l’intervention de la Russie, un cessez-le feu fut décrété, le 9 novembre et signé par l’Azerbaïdjan et l’Arménie. La défaite des Arméniens sur le terrain militaire était bien flagrante et Nikol Pachinian dut endosser les erreurs commises de longue date.
Profitant de ce revers militaire, les opposants politiques se sont regroupés pour réclamer la démission du premier ministre. Vous savez que, dans le règne animal, lorsqu’une bête est blessée, tous les charognards se pressent pour le dépecer. Ce scénario est tout à fait transposable actuellement en Arménie. Des hommes déchaînés s’introduisirent au domicile du président de l’Assemblée nationale et le frappèrent devant ses enfants. Des bâtiments saccagés, plusieurs blessés et des arrestations furent le triste bilan de cette attaque violente.
Mais, en réalité, quels sont ceux qui tirent les ficelles et demandent la déchéance d’un Premier ministre en place, depuis 2 ans seulement, en lui reprochant la défaite actuelle ? Les principaux organisateurs des manifestions furent les partis d’opposition et leurs chefs respectifs, les ex-présidents de la République, d’anciens ministres. Tous ces personnages corrompus jusqu’à l’os, qui imputent à autrui leurs propres crimes et leurs propres malversations. La situation est telle qu’en Arménie plusieurs années de gestion rigoureuse et transparente seront nécessaires pour apurer les comptes. Que tous ceux qui ont dévalisé l’argent public restituent au pays les sommes illégalement perçues. Et que dire du représentant de la FRA Dachnaktsoutioun de France ? Il se précipita lui aussi à Erevan pour assister à une manifestation contre le gouvernement, réclamant la démission de Nikol Pachinian.
Les opposants avaient planifié leur action en exigeant la démission de N. Pachinian et la création d’un nouveau gouvernement. Ils ont désigné un dénommé Vasken Manoukian comme Premier Ministre pour former un gouvernement provisoire.
Lors de la manifestation d’Erevan dans laquelle il se trouvait, Vasken Manoukian eut l’audace de chercher à rameuter les policiers dans le camp des manifestants, en exigeant à la démission de Pachinian. Or, ceci constitue une grave faute politique, car le rôle de la police est d’assurer la sécurité de la population et non de jouer les troublions dans une cité. Aucun homme prétendant assumer les plus hautes charges de l’État ne peut ainsi dévoyer la force publique, à moins de vouloir ériger une dictature. En effet, dans les dictatures, la police, au service du pouvoir en place, peut ainsi arrêter sans justification n’importe quel opposant. Il arrive parfois que ledit opposant s’échappe avant l’intervention policière.
Nous sommes persuadés que l’Arménie réussira à surmonter cette épreuve. Avec le soutien de la diaspora, l’unité du peuple permettra à l’Arménie et à l’Artsakh de mener une vie paisible. L’amitié et la coopération avec la Russie est la pierre angulaire de la sécurité du peuple arménien.
Dans le monde entier, les bonnes relations de voisinage entre les États est souhaitable pour le bien de tous. Mais ce bon voisinage est-il réel ? Les villes et les villages adjacents de deux états limitrophes peuvent-ils vraiment s’entendre lorsque les religions, les langues et les coutumes sont différentes ? La cohabitation pourrait être sereine et amicale sauf si un tiers intervenait pour perturber cet équilibre.
Il est fort regrettable de constater que pour des intérêts personnels des liens amicaux et pacifiques puissent se détériorer et générer un conflit meurtrier.
Pendant des centaines d’années, des peuples ont réussi à vivre ensemble, ils ont partagé leur joie et leur douleur mais une haine distillée par le nationalisme ainsi que la misère sociale ont conduit à des affrontements et des combats entre des peuples qui, hier encore, vivaient en bonne intelligence. Ainsi, des peuples entiers furent exterminés et les seules traces de leur existence ne sont visibles au mieux que dans les livres d’histoire.
L’Arménie aurait pu être un de ces peuples disparus dont la civilisation millénaire n’aurait été connue que par les ouvrages d’art et de culture, en supposant que tous les édifices, témoins de cette grandeur ne fussent pas anéantis.
Début 1921, Staline avait invité les pays du Caucase et la Turquie à Moscou pour déterminer les frontières de chaque pays. Soudain, les révoltés de l’ancien régime renversèrent le gouvernement d’Arménie soviétique et contestèrent la légitimité de la délégation arménienne de Moscou qui dut se retirer. L’Artsakh, pourtant majoritairement peuplé d’Arméniens, fut donc arbitrairement rattaché administrativement à l’Azerbaïdjan par Staline. Ce sujet sera plus amplement développé dans un prochain article.
Il est bien évident que le litige sur la question de l’Artsakh (Karabagh) entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan remonte à 100 ans. Cependant, depuis la dislocation de l’URSS, les tensions entre les deux pays se sont accentuées et les populations arméniennes ont été victimes de massacres à Soumgaït et plusieurs centaines d’Arméniens ont été chassés de Bakou. Face à cette situation dramatique, les Arméniens d’Artsakh (Karabagh) proclamèrent leur indépendance et formèrent un gouvernement auto-proclamé.
La dernière agression de l’Azerbaïdjan contre l’Artsakh (Karabagh) fut minutieusement préparée par la Turquie et son État-major. Après plusieurs semaines d’un conflit meurtrier pour les Arméniens d’Artsakh (Karabagh) et les volontaires arméniens contre les armées d’Azerbaïdjan et les mercenaires djihadistes encadrés par les généraux turcs, un énième et dernier cessez le feu fut décidé grâce à l’intervention de la Russie dans le cadre du groupe de Minsk. Ne serait-il pas opportun pour assurer la stabilité dans cette région du Caucase de créer une République d’Artsakh (Karabagh) et du Nakhitchevan sous la tutelle des trois puissances du groupe Minsk, la Russie, la France et les États-Unis ? Toute immixtion d’autres États serait formellement proscrite.
Rétablir une paix juste dans cette région du Caucase est nécessaire pour le bien des trois États qui la composent mais aussi pour la stabilité du monde entier car tout bouleversement et déséquilibre dans cette partie du monde aura des répercussions aussi bien en Europe qu’en Amérique.
L’aveuglement des pays occidentaux et leur désintérêt du conflit meurtrier qui a eu lieu de fin septembre à début novembre ont fait le jeu de la Turquie qui maintenant pense avoir les mains libres pour continuer son expansion politique et territoriale.
Dans quelques jours aura lieu un sommet de l’Union européenne au cours duquel la question de la Turquie sera discutée afin de décider si des sanctions doivent être imposées à Ankara.
Le danger turc n’est pas nouveau. Mais l’erreur qui a été commise par la Grèce et Chypre est que nos deux pays ont cherché à y faire face seuls, sans mettre la question à l’ordre du jour de l’agenda de l’Union européenne, alors même que la Turquie représente pour notre continent une menace de premier ordre.
Athènes et Nicosie attendent désormais de leurs partenaires de l’UE qu’ils les appuient face à Ankara et cessent d’exiger d’eux, sans contrepartie, leur soutien pour des questions diplomatiques qui les concernent. Cette absence de solidarité réciproque affaiblit de facto leur position face à la Turquie.
La Grèce et Chypre, par leur connaissance des Turcs et leur expérience des confrontations avec eux, peuvent apporter beaucoup afin de permettre la prise de conscience du danger turc par l’Europe. Nous livrons ci-dessous quelques éléments essentiels de la stratégie turque destinée à déstabiliser l’UE.
1. Coopération avec les organisations terroristes islamistes
La Turquie s’est fait une spécialité de la coopération avec les organisations djihadistes qui œuvrent contre l’Occident.
– Premièrement, elle coopère depuis des années – et continue de le faire – avec les terroristes de l’État islamique, dont les dirigeants étaient basés en Turquie et ont collaboré avec la famille Erdogan dans le trafic et la vente de pétrole extrait des puits de pétrole syriens. La Russie a soumis un dossier particulièrement documenté sur ce sujet à l’ONU.
– Deuxièmement, Ankara coopère, forme et équipe des groupes terroristes islamistes, qu’elle utilise ensuite contre les Kurdes en Syrie, afin de procéder à leur expulsion des régions qu’ils occupent dans le nord de ce pays (Afrin, Al Bab, Gire Spi et Sere Kaniye), se livrant à un véritable nettoyage ethnique.
– Troisièmement, elle coopère, forme et équipe des groupes terroristes islamistes dans la région d’Idlib qu’elle occupe, ses troupes travaillant ouvertement avec ces groupes, notamment le Front al-Nosra, une branche d’Al-Qaïda, dont les camps sont situés à quelques kilomètres de la frontière turque dans le gouvernorat d’Idlib.
– Quatrièmement, elle coopère, forme, équipe et transporte des groupes terroristes islamistes en Libye, où elle les utilise pour établir un régime islamique sous contrôle turc dans ce pays. Cette question concerne directement l’UE car la Turquie joue le même jeu bien connu de trafic illégal de migrants musulmans vers l’Europe, dans le but d’augmenter le nombre et l’importance des communautés musulmanes sur le continent, pour en prendre à terme le contrôle.
– Cinquièmement, elle coopère, forme, équipe et transporte des groupes terroristes islamistes en Azerbaïdjan qui ont participé à la guerre du Haut-Karabakh et les a ensuite installés dans les territoires conquis, dans le but de modifier leur démographie et de procéder au nettoyage ethnique de la population chrétienne.
À l’occasion des récents attentats terroristes islamistes dans les pays de l’UE, il a été possible d’observer, qu’à défaut de pouvoir les applaudir, la Turquie s’est empressée de les justifier.
2. Trafic illégal organisé de musulmans étrangers
La participation des services de l’État turc dans le trafic illégal d’étrangers, en grande majorité de religion musulmane, vers la Grèce et Chypre, dans le but de changer la démographie de ces deux États, mais aussi celle des pays de l’Union européenne, est bien connue de tous et en particulier de FRONTEX. Les étrangers qui entrent illégalement en Grèce ont pour objectif de se rendre dans d’autres pays européens, d’y profiter des aides sociales et des allocations de l’État providence afin de satisfaire la clause du Coran qui leur demande de répandre l’Islam dans le monde entier.
Le gouvernement grec peut préparer et livrer aux pays de l’UE un dossier avec des faits et documents choquants, prouvant l’implication de l’État turc dans cette immigration et la coopération des services turcs avec les bandes de passeurs.
3. Action des organisations paraétatiques turques dans les pays de l’UE
La Grèce détient des preuves des activités des organisations paraétatiques turques dans les pays de l’UE, où elles sont impliquées dans le trafic de drogue et le terrorisme, que cela soit contre les Kurdes, les Alevis, les Arméniens ou les opposants au régime d’Erdogan.
4. Violation des droits de l’homme
La Turquie étant un pays candidat à l’adhésion à l’Union européenne, elle est tenue de se conformer aux critères de Copenhague ainsi qu’aux normes des droits de l’homme qui s’appliquent en Europe.
Il est inconcevable que l’UE ferme les yeux sur les violations répétées des droits de l’homme ayant lieu en Turquie, sur l’arrestation de journalistes, d’avocats, de médecins, de citoyens ordinaires, simplement parce qu’ils contestent le régime d’Erdogan.
Le dossier sur cette question, qui sera soumis aux États de l’UE à l’occasion du prochain Sommet, sera particulièrement volumineux.
5. Génocide politique des Kurdes
Pour terminer, il est essentiel d’évoquer la question de la persécution des Kurdes, car il s’agit peut-être du seul cas au monde où un État qui revendique avec arrogance l’égalité politique pour une minorité de 180 000 personnes à Chypre – soit 18% de la population de l’île -, ne reconnaît pas les mêmes droits à une autre minorité, celle-là de 20 millions de personnes, et la prive même de ses droits fondamentaux.
La Turquie refuse aux Kurdes jusqu’au droit à l’éducation dans leur langue maternelle, alors qu’ils vivent depuis des milliers d’années dans la région, tandis que les Turcs n’y sont que des envahisseurs arrivés postérieurement.
Il faut rappeler que le gouvernement turc, auquel Abdullah Ocalan fut remis à Nairobi en 1999, avait promis aux États-Unis qu’il permettrait aux Kurdes d’exercer des activités politiques et de s’exprimer. Mais Ankara n’a pas tenu parole : ces dernières années, l’État turc a arrêté et emprisonné les dirigeants du Parti démocratique des peuples (HDP), des dizaines de députés et des maires élus avec près de 80% des suffrages, qu’il a remplacé par des commissaires d’État. Il a également arrêté et emprisonné des milliers de politiciens du HDP et les membres d’organisations de masse représentant le peuple kurde.
Cette tragédie du nettoyage ethnique des Kurdes par Ankara doit cesser. Parce qu’ils n’ont pas leur propre État pour dénoncer les massacres et les violations de leurs droits, nous ne les laisserons pas seuls sous le joug des Turcs. Que les États-Unis, la Russie et l’Union européenne prennent leurs responsabilités et cessent de jouer à des jeux politiques sur le dos d’un peuple de 40 millions d’âmes.
*
Il est aujourd’hui essentiel que les dirigeants et les diplomates européens comprennent que le problème de la Turquie islamiste expansionniste d’Erdogan n’est pas seulement celui de la Grèce, de Chypre ou de l’Arménie, mais celui de l’UE. Il convient donc qu’ils se mettent en ordre de bataille à l’occasion du prochain sommet.
Jusque-là, ni Athènes ni Nicosie n’ont été entendus. Nos deux pays n’ont bénéficié ni de la compréhension ni du soutien des États membres de l’UE qui ont longtemps considéré que la « question turque » ne les concernaient pas. Heureusement – ou malheureusement – les événements internationaux survenus au cours de l’année 2020 viennent démontrer le contraire.
Il est temps que les choses changent…
Source : Centre Français de Recherche sur le Renseignement
[1] Ancien colonel (armée de terre) du renseignement grec ayant servi six ans en Turquie, aujourd’hui consultant en géopolitique pour les médias grecs et éditorialiste pour la presse écrite. Il est l’auteur de La reddition d’Abdullah Ocalan (2007) et co-auteur de MIT : Les services secrets turcs (à paraître en 2021).
L’histoire du peuple arménien s’écrit en lettres de sang dans le grand livre de l’humanité. Entre 1894-1896, les provinces arméniennes de l’Empire Ottoman furent le lieu des premiers massacres de masse, puis en 1909, ce fut la ville d’Adana qui fut martyrisée, était-ce alors un crime imputable à l’ancien régime ottoman ou les prémisses de la politique « Jeune turque » envers la minorité arménienne ? Les déportations de 1915-1917 et l’extermination d’un million et demi d’Arméniens sur leurs terres ancestrales furent qualifiées de génocide selon la terminologie créée par le juriste Raphaël Lemkin. Ainsi en ce début du XXème siècle, une page tragique de l’histoire du peuple arménien s’écrivait en lettres de sang, mais malheureusement la fin de ce siècle devait parachever le chapitre la tragédie arménienne avec les massacres de Bakou et de Soumgaït commis par les frères des Turcs, les Azéris.
Avec l’éclatement de l’URSS en 1991, il était fort à espérer que les frontières dessinées en 1921 seraient renégociées et que l’Artsakh et le Nakhitchevan, arbitrairement donnés par Staline à l’autorité azerbaïdjanaise, seraient restitués à l’Arménie vu que la population de ces deux provinces était majoritairement arménienne. Néanmoins, il n’en fut rien. Bien au contraire, le Nakhitchevan fut vidé de sa population arménienne et l’Artsakh resta dans le giron azerbaïdjanais.
L’Azerbaïdjan, riche de son pétrole, put se doter d’un armement moderne et sophistiqué, bénéficier des conseils en stratégie de la Turquie, car selon le président turc Erdogan « Turcs et Azéris sont une seule et même nation ». La menace sur l’Arménie et l’Artsakh devenait de plus en plus imminente. Il faut se rappeler qu’en 2004, dans le cadre de la formation de l’OTAN, en Hongrie, un jeune soldat arménien avait été exécuté à la hache pendant son sommeil par un soldat azéri. En juillet dernier, la Turquie organisa des manœuvres militaires chez son frère azéri près de la frontière arménienne. Cependant, comment l’Occident a-t-il pu ainsi fermer les yeux sur toutes les exactions commises par l’Azerbaïdjan depuis plusieurs années ?
Le 27 septembre, l’Azerbaïdjan, sous l’impulsion de la Turquie, dont le Président Erdogan rêve de reconstituer l’Empire Ottoman, attaquait l’Artsakh qui, après un référendum en 1992 s’était proclamé indépendant. Les forces d’Azerbaïdjan soutenues par des mercenaires djihadistes et encadrées par des généraux turcs prirent l’avantage sur la résistance arménienne grâce à leur armement sophistiqué, drones mais surtout à l’utilisation d’armes interdites comme les bombes à sous-munitions ou au phosphore. Malgré plusieurs cessez-le-feu rompus systématiquement par l’Azerbaïdjan et une défense héroïque des soldats arméniens, après 5 semaines de combats acharnés, une trêve fut signée entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan sous l’arbitrage de la Russie pour mettre fin au massacre des jeunes soldats arméniens.
Néanmoins, pouvons-nous espérer que cette fois la justice internationale fera son travail ? L’Azerbaïdjan devrait être jugé pour crime de guerre et crime contre l’humanité. De son côté, la Turquie qui a introduit ses « Loups gris » partout en Europe pour mener ses basses besognes et contrecarrer les actions des Arméniens en faveur de la reconnaissance pourrait être contrainte de rappeler sous peu toute sa horde car, à petits pas certes mais concrètement, la reconnaissance du génocide s’écrit dans le marbre de la loi.
En 1933, Mir Jafar Baghirov remplace Ruben Ghougas Roubenov comme premier Secrétaire du parti communiste azerbaïdjanais sur ordre de Staline.
Il fait ses premières armes dans la politique comme président du Comité révolutionnaire de la région du Karabagh.
Surnommé le « Staline local » de 1933 à 1953, Baghirov est l’auteur des purges de plus de 70 000 Azéris et Arméniens, citoyens d’Azerbaïdjan.
Il est arrêté et jugé, après la mort de Staline, pour complicité avec Béria, responsable de la sécurité de l’URSS.
Le procès-verbal du tribunal révèle le plan de Baghirov, de concert avec Staline, d’annexer le Daguestan à l’Azerbaïdjan afin de constituer une forte république islamique et d’organiser un exode massif d’Arméniens (depuis l’Arménie) vers des régions éloignées.
La diminution de la population d’Arménie, à moins d’un million d’habitants, aurait entrainé la perte de son statut de république d’après la constitution soviétique.
Le 5 mars 1953, date de la mort de Staline, doit donc être considérée comme la date de la pérennité de l’État arménien.
« L’hémorragie gagnait le cerveau. Les dernières douze heures, le manque d’oxygène devint évident. Son visage devenait de plus en plus noir. L’agonie fut terrible. Il étouffait sous nos yeux. À un moment, vers la fin, il ouvrit soudain les yeux pour envelopper tous ceux qui l’entouraient. Ce fut un regard horrible, entre la démence et le courroux, plein d’horreur face à la mort et aux visages inconnus des médecins penchés sur lui. […] Et soudain – chose incompréhensible et terrifiante que je ne comprends pas encore aujourd’hui, mais que je ne puis oublier – il leva sa main gauche. On aurait dit qu’il indiquait quelque chose là-haut et qu’il nous maudissait. »
Svetlana Allilouïeva – Lettres à un ami.
« Chacun était susceptible de se retrouver du jour au lendemain agent de tel ou tel pays impérialiste au gré de l’imagination fertile de Staline. »
La veille du 75ème anniversaire du souvenir de l’écrasement du nazisme et avant le défilé militaire du 24 juin 2020 sur la Place Rouge de Moscou, le Président russe Vladimir Poutine a rédigé une lettre ouverte dont vous trouverez ci-après un passage.
« Churchill a écrit dans un message adressé à Staline le 27 septembre 1944 que c’était ˵l’armée russe qui avait fait sortir les tripes de la machine militaire allemande.” Cette évaluation a trouvé écho dans le monde entier, parce que ces mots résument cette grande vérité que personne ne remettait alors en question. Presque 27 millions de Soviétiques ont péri sur les fronts et en captivité chez les Allemands, sont morts de faim et sous les bombardements, dans les ghettos et les fours des camps d’extermination nazis. L’URSS a perdu un citoyen sur sept, le Royaume-Uni un sur 127 et les États-Unis un sur 320. »
Durant la Seconde guerre mondiale, l’Arménie avait fourni 600.000 soldats et officiers à l’Armée Rouge parmi lesquels 300.000 sont tombés sur les champs de bataille de Stalingrad jusqu’à Berlin. À Berlin, ce sont les soldats arméniens du général Tamanyan qui hissèrent le drapeau de l’URSS au sommet du Bundestag.
Le 24 juin 2020, à Moscou, eut lieu un grand défilé militaire pour célébrer le 75ème anniversaire de la victoire sur l’Allemagne nazie. Bien que le Premier ministre d’Arménie, Nikol Pachinian n’ait pu y assister en raison de la pandémie du corona virus, un corps d’armée d’Arménie participa à la commémoration sur la Place Rouge à Moscou.
L’épidémie de la COVID19 n’ayant pas épargné l’Arménie, le gouvernement avait pris des mesures drastiques pour empêcher la propagation de la maladie. On pouvait dire que le pays se trouvait en état de guerre. Les autorités sanitaires étaient-elles à la hauteur pour mener à bien cette lutte contre un ennemi invisible à propos duquel mêmes les sommités mondiales ont peu de connaissances ?
Profitant de la situation dramatique du pays, les députés opposés à la politique du Premier ministre Pachinian multiplièrent leurs attaques contre le gouvernement, accusant les responsables du pays d’être incapables de juguler l’évolution de la maladie. En agissant de la sorte et en affaiblissant le gouvernement arménien, les opposants politiques ne jouent-ils pas le jeu de l’Azerbaïdjan qui n’attend qu’un prétexte pour attaquer de nouveau le pays ?
La première attaque émana d’un représentant du parti « Arménie Lumineuse ». Aux paroles agressives succédèrent des actes violents dans l’enceinte du parlement dont les images furent retransmises à la télévision.
Le lendemain, Nikol Pachinian prit la parole devant les députés et présenta la situation du pays. Il est à noter que depuis la Révolution de Velours, le gouvernement a changé et que toutes les réformes se sont faites dans le calme, sans effusion de sang. Le seul objectif des dirigeants reste l’amélioration du niveau de vie de la population, l’assainissement des finances publiques et la lutte contre la corruption.
Ce combat mené depuis quelques années a permis non seulement de redorer l’image de l’Arménie auprès des instances internationales, mais également de recevoir des investissements étrangers. Cependant, en observant l’attitude véhémente de certains députés, le Premier ministre avoua qu’il avait perdu une bataille ouvrant ainsi une brèche dans laquelle s’engouffra le président du parti « Arménie Prospère » en réclamant la démission de Pachinian sous prétexte de son incapacité à résoudre la crise du corona virus.
Ces opposants sont pour certains des hommes qui se sont engraissés durant l’époque soviétique et post-soviétique en accumulant des fortunes considérables sur le dos du peuple. Que dire de ces politiciens véreux qui ne sont en réalité que des sangsues monstrueuses laissant la population exsangue pour leur seul profit ?
Que penser de ce parti « Arménie Lumineuse » qui par son esclandre au Parlement arménien a définitivement éteint le phare qui commençait à briller dans le monde entier ?
Souhaitons que l’Arménie puisse se débarrasser au plus tôt de ces parasites bien enfouis sous les couches de la corruption, mais bien plus nuisibles semblent-ils que le coronavirus.
Lors de la Grande Guerre, l’Empire ottoman, allié à l’Allemagne, mit à profit l’opportunité du conflit pour arrêter et exécuter plus de 600 notables Arméniens de Constantinople le 24 avril 1915. Cette rafle fut le prélude du génocide des Arméniens de l’Arménie occidentale.
Massacres, déportations vers les camps de Syrie, marches forcées, viols allaient causer la mort d’un million et demi d’hommes, de femmes et d’enfants. Les biens des Arméniens furent spoliés, leurs maisons, dans lesquelles selon le commandant turc Kâzim Karabekir les soldats turcs trouvèrent beaucoup de vivres, confisquées et leurs églises détruites.
Le peuple arménien disparaissait d’Anatolie et les traces
ancestrales de leur passé sur cette terre évanouissaient aussi.
Certains Arméniens qui avaient fui les persécutions turques
trouvèrent refuge en Arménie russe. Cependant, la Révolution bolchévique
d’octobre 1917 provoqua le retrait des armées russes des régions occupées
d’Anatolie orientale et la menace turque pesa à nouveau sur les Arméniens. En
effet, le 28 mai 1918, l’Arménie déclara son indépendance mais cette 1ère
République ne devait durer que deux ans car les intérêts géopolitiques
divergents des Occidentaux d’une part et des Bolchéviques d’autre part,
permirent aux Turcs de mettre en application leur projet d’anéantissement de la
nation arménienne. Selon les dires du Premier ministre arménien Simon
Vratzian : « Les canons turcs étaient visibles depuis Erevan. »
Conscients du risque de disparition définitive de la nation
arménienne à cause des intrigues des États occidentaux, des Arméniens
clairvoyants et pragmatiques sollicitèrent l’aide de la Russie. La 11ème
armée rouge pénétra en Arménie afin de stopper l’avancée des Turcs. La Seconde
République d’Arménie fut proclamée le 29 novembre 1920 et le pays entra dans le
giron de la famille soviétique. La petite République allait commencer à
redresser son économie et se reconstruire malgré la perte de deux
territoires : l’Artsakh et le Nakhitchevan.
La Seconde Guerre Mondiale contre l’Allemagne nazie allait
bouleverser la vie du pays. En 1942, lorsque les combats faisaient rage à
Stalingrad entre les armées soviétique et allemande, la Turquie, qui avait
pourtant proclamé sa neutralité, n’attendait que la défaite de l’URSS pour se
ruer sur la petite République d’Arménie. La Turquie avait aligné 26 divisions à
sa frontière pour attaquer l’Arménie. La victoire soviétique de Stalingrad
sauva l’Arménie d’un assaut turc dévastateur. Il faut cependant rappeler que
l’Arménie fut l’une des Républiques de l’URSS à donner proportionnellement à sa
population le plus de soldats et d’officiers, soit 600.000 combattants au sein
de l’Armée soviétique. 300.000 d’entre eux tombèrent sur les champs de
bataille.
Pendant 70 ans, l’Arménie soviétique vécut en paix, malgré
la période sombre des persécutions staliniennes dont furent victimes des
écrivains et artistes arméniens et certaines vicissitudes du régime soviétique.
Le pays connut un certain âge d’or dans les domaines économique, culturel,
scientifique et sportif.
Après
l’effondrement de l’URSS, l’Arménie déclara son indépendance, le 21 septembre
1991 et elle est également membre de l’Organisation des Nations Unies.
Nous souhaitons que l’année prochaine, le 29 novembre 2020, les autorités de la République d’Arménie célèbrent le 100ème anniversaire de l’Arménie soviétique dont l’existence a sauvé le peuple arménien de la disparition.
Après la défaite de l’Empire Ottoman en 1918, les Turcs menèrent un combat pour instaurer une République. Une République sur les ruines d’un empire exsangue à leur frontière intéressait la Russie. Par conséquent en mars 1920, Staline réunit à Moscou les 3 républiques du Caucase, la Géorgie, l’Arménie et l’Azerbaïdjan ainsi que la Turquie dans le but de définir les frontières de chaque pays de cette région. Les Turcs se présentaient à la conférence comme de futurs alliés de l’URSS, et il faut signaler également que lors de la réunion de cette conférence le gouvernement d’Arménie était tombé et qu’il n’y avait plus de représentant de l’Arménie à Moscou.
Le champ était libre pour les Turcs d’imposer leurs conditions ainsi le
Haut Karabagh et le Nakhitchevan, deux régions où la population arménienne
dépassait les 94% furent rattachés à l’Azerbaïdjan. Le Nakhitchevan fut
progressivement vidé de sa population arménienne tandis que l’Artsakh restait,
malgré son rattachement à l’Azerbaïdjan, une terre arménienne avec ses
nombreuses églises.
Après la dislocation de l’URSS, le 21 septembre 1991, l’Arménie déclara
son indépendance et devint une République avec ses propres symboles et ses
emblèmes.
Les Arméniens menèrent une campagne pour libérer leurs terres
ancestrales du joug azéri. Les batailles étaient très dures, les Arméniens
d’Azerbaïdjan essentiellement de Bakou furent chassés du pays dans des
conditions inhumaines et des massacres, rappelant ceux commis dans l’Empire
Ottoman en 1915, furent perpétrés à Soumgait.
Le Karabagh libéré déclara son indépendance. Entre temps les Arméniens
continuent à construire le Karabagh mais des heurts se produisent régulièrement
sur le front et de jeunes soldats meurent sous les balles des snipers azéris.
Sous l’égide de l’ONU se forme un groupe appelé « Groupe de Minsk »
composé de 3 co-présidents dont les Etats-Unis, la France et la Russie pour
assurer la paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.
Grâce au soutien de l’Arménie et de la diaspora, le Karabagh devient un
état très bien structuré tel que beaucoup de pays dans le monde peuvent
l’envier.
Le 2 avril 2016, le long de la frontière avec le Karabagh, l’armée
azérie effectue une attaque surprise afin de récupérer quelques terrains. Les
forces arméniennes résistent mais les morts dans les deux camps sont nombreux.
Les Azéris décapitent la tête d’un prisonnier arménien et la promènent tel un
trophée pour montrer leur force. Dès
avril 1915, les Turcs Ottomans avaient procédé de la même façon contre les
intellectuels et les notables arméniens comme le témoignent les photographies
reproduisant l’entassement des têtes coupées des Arméniens. Même fraternité
dans l’horreur entre Turcs et Azéris.
Pas un jour ne passe sans qu’on annonce le décès d’un soldat arménien tombé sous les balles d’un sniper azéri. Les attaques contre les villages frontaliers sont fréquentes. Les paysans arméniens ne peuvent même pas récolter leurs moissons dans leurs champs. Devant ces événements, l’indignation et l’exaspération des Arméniens sont arrivés à un seuil très critique. La jeunesse arménienne va-t-elle déborder pour aller mener des actions comme l’avait fait ASALA des années 75-80 pour défendre et protéger les terres arméniennes ?
Est-ce uniquement par des moyens violents que la conscience humaine peut
se réveiller pour apporter une solution juste au peuple arménien déjà victime
d’un génocide qui n’est pas reconnu par la Turquie héritière de ses
bourreaux ?
La situation actuelle de la Catalogne nous
interroge et la question cruciale qui se pose est pourquoi certains peuples
réussissent à obtenir leur indépendance avec le soutien des puissances
étrangères alors que d’autres sont accusés de séparatisme ? Pourquoi
refuserait-on à l’Artsakh d’être pleinement indépendant alors que cette
indépendance a été reconnue pour le Kosovo, par exemple, dans une situation en
tout point identique ? Est-ce que les pétrodollars et le caviar de
l’Azerbaïdjan vont acheter toutes les diplomaties occidentales ? Est-ce
que la juste autodétermination des peuples ou le droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes comme défini par l’ONU sont à géométrie variable ou devrais-je dire
à intérêts économiques variables ?
Les 3 co-présidents du groupe de Minsk ont des intérêts contradictoires
dans l’affaire du Karabagh. Il est grand temps de régler et d’agir car demain
il sera trop tard pour décider la paix ou la guerre.