Hommage aux membres du Groupe Manouchian

En ce 21 février, rendons hommage aux membres du Groupe Manouchian qui furent exécutés par les nazis au Mont Valérien, en 1944 après un simulacre de procès. Les 22 hommes furent fusillés alors que la seule femme de ce groupe de résistants Olga Bancic fut décapitée quelques mois plus tard en Allemagne.

Missak Manouchian

Aujourd’hui à cause de la crise sanitaire et de l’interdiction de se réunir dans les lieux publics, la traditionnelle commémoration au cimetière d’Ivry en leur mémoire aura lieu en comité restreint. Cependant n’oublions jamais ceux qui sont morts pour que vive la France et pour que ses valeurs démocratiques soient restaurées.

Souvenons-nous de Missak Manouchian, Missak l’Arménien, l’orphelin et rescapé du Génocide des Arméniens, le poète, le combattant qui débarqua en France en 1924 en espérant construire une nouvelle vie sur cette terre d’accueil, ce pays des Droits de l’Homme qui ne pouvait être que l’eldorado rêvé.

Malheureusement en 1940, la défaite de la France et l’occupation nazie allaient transformer le rêve en cauchemar. Luttant contre sa propre nature, pacifiste et romantique, Missak dut se métamorphoser en un combattant et prendre les armes pour rendre à la France sa Liberté et sa République. Il allait devenir un Héros de la Résistance avec ses camarades des FTP-MOI (Francs-Tireurs et Partisan- Main d’Œuvre Immigrée). Arrêtés en 1943, les membres du Groupe Manouchian allaient être stigmatisés par de grandes affiches de propagande nazie non pas comme des combattants de la Liberté mais comme des terroristes étrangers.

Ces affiches rouges que les nazis devaient placarder sur les murs de Paris pour fustiger la Résistance en la dénonçant comme une armée du crime menée par des étrangers eurent un effet inverse sur la population française. Certaines de ces affiches furent lacérées, alors que sur d’autres des mains avaient écrit « Morts pour la France ». Des bouquets de fleurs furent déposés au pied des murs où en lettres de sang les nazis voulaient jeter l’opprobre sur les combattants de l’ombre.

Plus de 70 ans plus tard, le souvenir de ces 22 hommes et 1 femme reste vivace dans les esprits, les manuels scolaires perpétuent la mémoire de ceux qui furent exécutés pour défendre un pays qu’ils avaient choisi et dont ils n’étaient pas citoyens.

Arsène Tchakarian

En ce 21 février, où malheureusement nous ne pouvons pas nous recueillir au cimetière d’Ivry pour rendre hommage à ces héros, j’aurai une pensée pour Arsène Tchakarian qui fut le dernier survivant du Groupe Manouchian et qui est décédé en 2018 car il était la Mémoire de ces résistants.

Arsène était un ami, et nous avons, par une sorte de serment tacite, promis que jamais nous n’omettrions de commémorer le 21 février et le sacrifice des héros de l’Affiche Rouge. Arsène repose aujourd’hui près de ses frères d’armes.

Je terminerai en réitérant une demande que je trouve légitime à savoir le transfert des cendres de Missak Manouchian au Panthéon. Un acte magnifique et hautement symbolique qui honorerait la République française parce que cet homme bien qu’apatride est mort pour la France en tant que combattant de la Résistance. Ensuite parce qu’il est rescapé d’un Génocide dont la négation par certains états assassine une nouvelle fois la mémoire d’un peuple massacré. Enfin ce geste de la France serait une réponse exemplaire à tous ceux qui utilisent la haine et le racisme comme moyen d’action politique.

Taline Durman

Services secrets turcs et stratégie néo-ottomane

Quel est le rôle joué par le MIT dans la stratégie néo-ottomane de Recep Tayyip ERDOGAN ?

Chacun le sait, la Turquie de M. ERDOGAN menace la Grèce, Chypre, l’Arménie, l’Europe…

Son rêve est de rétablir l’empire ottoman.

Ce livre est un ouvrage essentiel pour comprendre le fonctionnement des services spéciaux turcs.

M. Constantin PIKRAMENOS*, co-auteur du livre [avec Savvas KALENTERIDIS – Ndlr] « MIT – Le service secret turc » (Infognomon Editions) répond à nos questions à propos du renseignement turc et les menaces qu’il représente notamment en Europe.

Un livre enquête sur le renseignement turc ? Pour quelle raison et pourquoi maintenant ?

La Turquie des 10 dernières années et plus précisément après le printemps arabe a adopté une stratégie expansionniste néo-ottomane. On savait déjà que le parti au pouvoir AKP et Recep Tayyip ERDOGAN ont leurs origines dans l’Islam politique proche des Frères Musulmans. On savait aussi que Ahmet DAVUTOGLU (professeur en géopolitique et ancien Ministre des Affaires Etrangères du gouvernement Erdogan) a écrit un livre sur la profondeur stratégique de la Turquie dans les années 2000.

Mais c’est le printemps arabe qui a offert aux nostalgiques de l’Empire Ottoman l’occasion unique de mettre en œuvre leurs idées pour la Turquie du 21ème siècle… Et l’outil tactique pour l’expansion de l’influence turque au Moyen Orient, en Afrique du Nord, dans les Balkans, dans le Caucase et en Asie Centrale est le service du renseignement turc, le MIT.

Comment le MIT est-il structuré ? Quel est son modus operandi ?

Le MIT a traversé une période de changements structurels et de la mentalité sous la direction de Hakan FIDAN (son directeur actuel). En lisant le livre, on apprend beaucoup sur des aspects techniques de la restructuration mais aussi sur des opérations en cours du MIT.

Le livre offre une analyse profonde sur des actions des officiers turcs du MIT dans la guerre en Syrie par exemple ou sur la manipulation des communautés turques en Europe et plus précisément sur l’exploitation de l’Islam en France…

Le MIT possède un gros budget, son personnel est plus nombreux par rapport à la DGSE, gère des milliers d’informateurs conscients ou inconscients, utilise des drones ISR et de combat, contrôle

des stations d’écoutes (SIGINT) de l’armée turque…On peut dire que MIT fait partie du club des meilleurs services du renseignement en termes des moyens humains, techniques et surtout financiers.

Le Président Macron a déclaré que la loi turque ne peut pas être appliquée en France…Vous voyez derrière cette déclaration, la confirmation de l’ingérence du MIT en France ?

Il faut considérer le MIT comme un service du renseignement, des actions paramilitaires et de la guerre de l’information. Dans ce livre de presque 400 pages, on présente le vaste réseau des agents du renseignement et de l’influence que le MIT possède en Europe. L’Allemagne et la France (pays fondateurs de l’EU) font partie des cibles de préférence du MIT avec Strasbourg comme centre de coordination des activités du service secret turc.

Les relations franco-turques traversent une période très difficile… Libye, Syrie, Arménie, Chypre, frères musulmans…même Charlie Hebdo fait partie des sujets de dispute entre M. MACRON et M. ERDOGAN…

Quel rôle pour les services secrets ?

Comme vous le savez, il n’y a pas que des amis et des ennemis, il n’y a que des intérêts. DGSE et MIT se connaissent très bien et parfois ils jouent le rôle de la diplomatie parallèle…Ismail HAKKI MOUSA (l’actuel ambassadeur turc à Paris) était, entre 2012-2016, le numéro 2 du MIT mais était aussi ambassadeur de France en Turquie…Donc on se parle mais on s’espionne aussi simultanément.

Selon vous, la rivalité historique entre le MIT et les services de maintien de l’ordre turcs dure toujours ?

C’était le cas pendant presque 35 ans (1965-2000). Les partis au pouvoir contrôlaient les services du renseignement de la police nationale et l’armée ultra-kémaliste contrôlait le MIT. À partir des années 2000, le MIT devient un service du renseignement 100% civil. Sous la direction d’Hakan Fidan, le MIT se renforce encore plus en tant que colonne vertébrale de la communauté du renseignement turque. Après la tentative du Coup d’Etat en 2016, la police et plus précisément les directions du renseignement et du contre-terrorisme de la police sont complètement « nettoyées » des éléments gulénistes. On peut parler aujourd’hui de « paix définitive » entre le MIT, la Police et la Gendarmerie turcs sous le contrôle absolu du Sultan turc.

Ces dernières années, on parle beaucoup sur le rôle du MIT pendant la guerre en Syrie et les opérations du renseignement en Europe contre des membres de la communauté GULEN et des sympathisants de la question kurde….

Notre livre est centré sur les opérations du MIT des 10 dernières années, donc le lecteur trouvera une pléiade d’informations sur ces questions… Profilage, fichage, dénonciation, surveillance, menaces, harcèlement, tentatives d’assassinat et même exécution à Paris des cadres du PKK, font parties des activités du MIT sous la direction de Hakan FIDAN.

En Turquie, la situation n’est pas différente, ce qui explique pourquoi la Turquie se trouve à la première place sur la liste de plaintes déposées à la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg. Les services du contre-espionnage en Europe essaient de contrer les activités du MIT mais, soit par manque des moyens soit par manque de volonté politique européenne, les agents des renseignements turcs se sentent libres d’opérer…pour l’instant.

*Constantin PIKRAMENOS est spécialiste de la Turquie et expert en Intelligence économique.

Diplômé de Sciences Po Athènes, il a co-écrit plusieurs ouvrages sur la Turquie et le Moyen-Orient et ses articles ont été publiés dans les presses grecque et turque.

Source : http://diaspora-grecque.com/modules/altern8news/article.php?storyid=6735