La France pourrait-elle être exclue du groupe de Minsk ?

L’histoire du peuple arménien est marquée par des tragédies meurtrières, des massacres du XIXème siècle au génocide de 1915.

Depuis son indépendance, l’Arménie et l’enclave du Haut-Karabagh (Artsakh) furent les cibles régulières d’attaques azerbaïdjanaises. La dernière agression, fin septembre 2020, dura 44 jours. Elle se solda par la défaite des Arméniens qui ne purent endiguer la supériorité numérique et technologique de l’Azerbaïdjan et de la Turquie, appuyés par des mercenaires syriens.

Depuis quelques jours, l’Arménie se trouve de nouveau pilonnée par les soldats de l’Azerbaïdjan et une nouvelle fois le silence assourdissant de la communauté internationale face à cette énième agression est insupportable.

Le Haut-Karabagh (Artsakh) est une terre historiquement arménienne dévolue à l’Azerbaïdjan pendant l’ère soviétique.

Combien de jeunes Arméniens doivent-ils mourir, combien de villages doivent-ils être anéantis et de monuments doivent-ils être détruits pour que des voix s’élèvent pour condamner les bourreaux du peuple arménien ?

L’Azerbaïdjan cherche à écarter la France de l’échiquier politique dans le Caucase en demandant son exclusion du groupe de Minsk.

L’Arménie a besoin de soutien et celui-ci ne peut venir que d’une diaspora forte et organisée, ainsi que de ses amis français.

Pour se faire, notre association MAFP avait conçu en juillet 2015 la création de CFA (Comités franco-arméniens).

Nous exhortons donc tous les élus français et arméniens à s’approprier ce projet que nous avons certes initié mais que nous voulons universel. La survie de l’Arménie est à ce prix !

QUE DEVIENNENT L’ARMÉNIE ET L’ARTSAKH ?

Alors que l’épidémie de coronavirus affectait dans le monde entier n’épargnant pas l’Arménie, la Turquie et son pays frère l’Azerbaïdjan entamaient leurs manœuvres militaires près de la frontière arménienne au mois d’août 2020. Un mois plus tard, le 26 septembre, l’armée azerbaïdjanaise, encadrée d’officiers turcs et renforcée par des djihadistes venus de Syrie, attaquait l’Artsakh. 44 jours durant, les soldats de l’Artsakh soutenus par des volontaires venus d’Arménie allaient héroïquement défendre leurs terres ancestrales avec un armement dérisoire face au matériel sophistiqué de l’Azerbaïdjan. Ce combat certes inégal fut essentiellement dû à la corruption sévissant en Arménie, depuis des années, à l’image du ministre de la Défense détournant à son profit l’argent prévu pour armer les soldats. Malgré la bravoure de ces derniers, il fallut épargner vies de d’autres jeunes recrues. Grâce à l’intervention de la Russie, un cessez-le feu fut décrété, le 9 novembre et signé par l’Azerbaïdjan et l’Arménie. La défaite des Arméniens sur le terrain militaire était bien flagrante et Nikol Pachinian dut endosser les erreurs commises de longue date.

Profitant de ce revers militaire, les opposants politiques se sont regroupés pour réclamer la démission du premier ministre. Vous savez que, dans le règne animal, lorsqu’une bête est blessée, tous les charognards se pressent pour le dépecer. Ce scénario est tout à fait transposable actuellement en Arménie. Des hommes déchaînés s’introduisirent au domicile du président de l’Assemblée nationale et le frappèrent devant ses enfants. Des bâtiments saccagés, plusieurs blessés et des arrestations furent le triste bilan de cette attaque violente.

Mais, en réalité, quels sont ceux qui tirent les ficelles et demandent la déchéance d’un Premier ministre en place, depuis 2 ans seulement, en lui reprochant la défaite actuelle ? Les principaux organisateurs des manifestions furent les partis d’opposition et leurs chefs respectifs, les ex-présidents de la République, d’anciens ministres. Tous ces personnages corrompus jusqu’à l’os, qui imputent à autrui leurs propres crimes et leurs propres malversations. La situation est telle qu’en Arménie plusieurs années de gestion rigoureuse et transparente seront nécessaires pour apurer les comptes. Que tous ceux qui ont dévalisé l’argent public restituent au pays les sommes illégalement perçues. Et que dire du représentant de la FRA Dachnaktsoutioun de France ? Il se précipita lui aussi à Erevan pour assister à une manifestation contre le gouvernement, réclamant la démission de Nikol Pachinian.

Les opposants avaient planifié leur action en exigeant la démission de N. Pachinian et la création d’un nouveau gouvernement. Ils ont désigné un dénommé Vasken Manoukian comme Premier Ministre pour former un gouvernement provisoire.

Lors de la manifestation d’Erevan dans laquelle il se trouvait, Vasken Manoukian eut l’audace de chercher à rameuter les policiers dans le camp des manifestants, en exigeant à la démission de Pachinian. Or, ceci constitue une grave faute politique, car le rôle de la police est d’assurer la sécurité de la population et non de jouer les troublions dans une cité. Aucun homme prétendant assumer les plus hautes charges de l’État ne peut ainsi dévoyer la force publique, à moins de vouloir ériger une dictature. En effet, dans les dictatures, la police, au service du pouvoir en place, peut ainsi arrêter sans justification n’importe quel opposant. Il arrive parfois que ledit opposant s’échappe avant l’intervention policière.

Nous sommes persuadés que l’Arménie réussira à surmonter cette épreuve. Avec le soutien de la diaspora, l’unité du peuple permettra à l’Arménie et à l’Artsakh de mener une vie paisible. L’amitié et la coopération avec la Russie est la pierre angulaire de la sécurité du peuple arménien.

Nersès Durman-Arabyan
Paris – 25/02/2021

L’Arménie, l’Artsakh et leur douleur

L’histoire du peuple arménien s’écrit en lettres de sang dans le grand livre de l’humanité. Entre 1894-1896, les provinces arméniennes de l’Empire Ottoman furent le lieu des premiers massacres de masse, puis en 1909, ce fut la ville d’Adana qui fut martyrisée, était-ce alors un crime imputable à l’ancien régime ottoman ou les prémisses de la politique « Jeune turque » envers la minorité arménienne ? Les déportations de 1915-1917 et l’extermination d’un million et demi d’Arméniens sur leurs terres ancestrales furent qualifiées de génocide selon la terminologie créée par le juriste Raphaël Lemkin. Ainsi en ce début du XXème siècle, une page tragique de l’histoire du peuple arménien s’écrivait en lettres de sang, mais malheureusement la fin de ce siècle devait parachever le chapitre la tragédie arménienne avec les massacres de Bakou et de Soumgaït commis par les frères des Turcs, les Azéris.

Avec l’éclatement de l’URSS en 1991, il était fort à espérer que les frontières dessinées en 1921 seraient renégociées et que l’Artsakh et le Nakhitchevan, arbitrairement donnés par Staline à l’autorité azerbaïdjanaise, seraient restitués à l’Arménie vu que la population de ces deux provinces était majoritairement arménienne. Néanmoins, il n’en fut rien. Bien au contraire, le Nakhitchevan fut vidé de sa population arménienne et l’Artsakh resta dans le giron azerbaïdjanais.

L’Azerbaïdjan, riche de son pétrole, put se doter d’un armement moderne et sophistiqué, bénéficier des conseils en stratégie de la Turquie, car selon le président turc Erdogan « Turcs et Azéris sont une seule et même nation ». La menace sur l’Arménie et l’Artsakh devenait de plus en plus imminente. Il faut se rappeler qu’en 2004, dans le cadre de la formation de l’OTAN, en Hongrie, un jeune soldat arménien avait été exécuté à la hache pendant son sommeil par un soldat azéri. En juillet dernier, la Turquie organisa des manœuvres militaires chez son frère azéri près de la frontière arménienne. Cependant, comment l’Occident a-t-il pu ainsi fermer les yeux sur toutes les exactions commises par l’Azerbaïdjan depuis plusieurs années ? 

Le 27 septembre, l’Azerbaïdjan, sous l’impulsion de la Turquie, dont le Président Erdogan rêve de reconstituer l’Empire Ottoman, attaquait l’Artsakh qui, après un référendum en 1992 s’était proclamé indépendant. Les forces d’Azerbaïdjan soutenues par des mercenaires djihadistes et encadrées par des généraux turcs prirent l’avantage sur la résistance arménienne grâce à leur armement sophistiqué, drones mais surtout à l’utilisation d’armes interdites comme les bombes à sous-munitions ou au phosphore. Malgré plusieurs cessez-le-feu rompus systématiquement par l’Azerbaïdjan et une défense héroïque des soldats arméniens, après 5 semaines de combats acharnés, une trêve fut signée entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan sous l’arbitrage de la Russie pour mettre fin au massacre des jeunes soldats arméniens.

Néanmoins, pouvons-nous espérer que cette fois la justice internationale fera son travail ? L’Azerbaïdjan devrait être jugé pour crime de guerre et crime contre l’humanité. De son côté, la Turquie qui a introduit ses « Loups gris » partout en Europe pour mener ses basses besognes et contrecarrer les actions des Arméniens en faveur de la reconnaissance pourrait être contrainte de rappeler sous peu toute sa horde car, à petits pas certes mais concrètement, la reconnaissance du génocide s’écrit dans le marbre de la loi.

Nersès Durman-Arabyan
Paris – 22/11/2020

La guerre hybride gréco-turque *(1)

Les relations entre la Grèce et la Turquie ne sont pas au beau fixe ; c’est le moins que l’on puisse dire. La Turquie, pays de plus de 80 millions d’habitants, puissance régionale incontestable et qui se rêve en grande puissance, mène une politique agressive à l’égard de ses voisins. Cette politique, qualifiée de néo-ottomane depuis l’accession au pouvoir de Recep Tayyip Erdogan, prend des formes diverses, suivant les circonstances.

Cependant, une constante caractérise le comportement turc envers la Grèce : la pression permanente, sans relâche et sans répit. Une guerre hybride menée par la Turquie depuis des années.

L’instrumentalisation par la Turquie des migrants est le dernier épisode en date. En poussant, début 2020, des milliers d’entre eux vers la frontière grecque (maritime et terrestre), Ankara renforce considérablement la pression sur Athènes ; tout le monde a encore en tête les images de centaines de milliers de migrants débarquant sur les côtes des îles grecques de la mer Égée, avec son lot de drames…

Nombreux sont les analystes en géopolitique qui penchent vers l’existence d’un plan fomenté par les différents services turcs, maintenant une attitude agressive à l’égard de la Grèce.

Au-delà de l’instrumentalisation des migrants, la Turquie mène une autre attaque coordonnée et parallèle contre la Grèce. Il s’agit de la diffusion massive et ciblée d’informations dans les médias occidentaux, notamment ceux des Etats-Unis, du Royaume-Uni, de l’Allemagne et de la France, avec l’intention de déstabiliser la Grèce, en la décrédibilisant et en la présentant comme un pays hostile aux droits de l’homme et au droit d’asile.

Il s’agit d’une guerre qui ne dit pas son nom. La Turquie, par le lobbying et la désinformation tente de nuire à la Grèce, tentant par la même occasion de cacher ses propres insuffisances sur le respect des droits de l’homme, de l’État de droit, de la liberté de la presse et d’expression ; un soft power agressif en quelque sorte, qui essaie d’inverser la situation.

Ces fausses informations étaient relayées et appuyées par le sommet de l’État turc, au moment où la multiplication d’informations dans la presse était à son apogée. De cette manière la décrédibilisation de la Grèce s’accompagnait d’un « crédit » à l’égard de la Turquie et de ses dirigeants (en tout cas, c’était l’objectif turc).

Ce soft power du lobbying et de la diffusion de fausses informations, est utilisé en complément au hard power que constituent dans ce cas précis, les migrants. Et ce n’est pas un hasard si la grande majorité de ces migrants, qui se sont déplacés vers la frontière turco-grecque à l’appel du gouvernement turc, étaient des Pakistanais, des Afghans ou encore des Maghrébins. Les Syriens étaient bizarrement absents…

Les fausses informations qui ont circulé concernaient, entre autres, la mort par un tir grec d’un migrant, les tirs à balles réelles de la police et de l’armée grecques contre les bateaux des migrants, les vols purs et simples des biens des migrants, les trafics en tout genre, etc, etc…

De nombreux migrants ayant témoigné dans les médias (surtout occidentaux) étaient trop bien informés et capables de manier à merveille les ficelles de la communication pour être totalement exempts de suspicion d’être manipulés ou manipulateurs.

Sur ce point, un article du New York Times *(2) , daté 10 mars 2020, est un modèle du genre : il faisait état de « camps de détention secrets » opérés par les autorités grecques et d’utilisation de tirs à balles réelles, sur la base d’un témoignage d’un réfugié syrien. Ensuite, le journal a été obligé de rectifier car le « réfugié syrien » avait en réalité un passeport turc !

La stratégie du gouvernement turc est, à mon sens, évidente : « constituer des abcès aux portes de l’Europe » et « organiser régulièrement des intrusions » afin de maintenir la pression et le climat de guerre contre la Grèce et la pression permanente sur le vieux continent.

L’objectif étant toujours le même : obtenir le plus possible tant au niveau économique et financier que politique avec un éventuel soutien face à la Russie (aussi bien sur le front syrien que libyen).

D’ailleurs, les demandes de Recep Tayyip Erdogan auprès de Bruxelles ont été claires : obtenir plus d’aide économique pour faire face au problème des réfugiés, obtenir la libéralisation des visas d’entrée dans l’Union européenne pour tous les citoyens turcs et, enfin, débloquer les négociations d’adhésion de la Turquie dans l’UE avec, dans un premier temps, l’ouverture de cinq chapitres de l’acquis communautaire. Ce dernier point mérite une petite explication supplémentaire : les cinq chapitres demandés par la Turquie sont ceux que la République de Chypre bloque unilatéralement car la Turquie ne reconnait pas Chypre et n’applique pas l’Union douanière qu’elle a avec l’Union, à Chypre. Cela équivaut à une demande turque d’écarter Chypre et d’ignorer l’existence de l’occupation turque de la partie nord de l’île, territoire, rappelons-le, faisant partie de l’Union européenne.

Une autre information importante sur les migrants vivant en Turquie n’a pas fait l’objet de la couverture médiatique qu’elle méritait : non seulement la Turquie laisse (ou plutôt, pousse) les migrants à se rendre à la frontière grecque, mais également elle déploie des renforts pour empêcher la Grèce de repousser les migrants.

La grande crainte de l’Union européenne, et surtout des pays situés en première ligne, c’est-à-dire les pays frontaliers de la Turquie, c’est d’avoir à affronter une agression turque. En clair, la crainte de la Grèce et de Chypre, c’est que la Turquie, en proie à de problèmes internes – économiques et politiques – et en proie à des problèmes au niveau de ses interventions extérieures où elle a récemment connu la défaite, ne cherche à tout prix à obtenir un succès militaire, une victoire « extérieure ».

*(1) D’après un article de l’auteur, paru dans Europe & Orient, No 30, janvier-juin 2020.

*(2) ‘We Are Like Animals’: Inside Greece’s Secret Site for Migrants

Charalambos Petinos
Historien et écrivain

Επικοινωνία – Contact : info@diaspora-grecque.com

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