QUE DEVIENNENT L’ARMÉNIE ET L’ARTSAKH ?

Alors que l’épidémie de coronavirus affectait dans le monde entier n’épargnant pas l’Arménie, la Turquie et son pays frère l’Azerbaïdjan entamaient leurs manœuvres militaires près de la frontière arménienne au mois d’août 2020. Un mois plus tard, le 26 septembre, l’armée azerbaïdjanaise, encadrée d’officiers turcs et renforcée par des djihadistes venus de Syrie, attaquait l’Artsakh. 44 jours durant, les soldats de l’Artsakh soutenus par des volontaires venus d’Arménie allaient héroïquement défendre leurs terres ancestrales avec un armement dérisoire face au matériel sophistiqué de l’Azerbaïdjan. Ce combat certes inégal fut essentiellement dû à la corruption sévissant en Arménie, depuis des années, à l’image du ministre de la Défense détournant à son profit l’argent prévu pour armer les soldats. Malgré la bravoure de ces derniers, il fallut épargner vies de d’autres jeunes recrues. Grâce à l’intervention de la Russie, un cessez-le feu fut décrété, le 9 novembre et signé par l’Azerbaïdjan et l’Arménie. La défaite des Arméniens sur le terrain militaire était bien flagrante et Nikol Pachinian dut endosser les erreurs commises de longue date.

Profitant de ce revers militaire, les opposants politiques se sont regroupés pour réclamer la démission du premier ministre. Vous savez que, dans le règne animal, lorsqu’une bête est blessée, tous les charognards se pressent pour le dépecer. Ce scénario est tout à fait transposable actuellement en Arménie. Des hommes déchaînés s’introduisirent au domicile du président de l’Assemblée nationale et le frappèrent devant ses enfants. Des bâtiments saccagés, plusieurs blessés et des arrestations furent le triste bilan de cette attaque violente.

Mais, en réalité, quels sont ceux qui tirent les ficelles et demandent la déchéance d’un Premier ministre en place, depuis 2 ans seulement, en lui reprochant la défaite actuelle ? Les principaux organisateurs des manifestions furent les partis d’opposition et leurs chefs respectifs, les ex-présidents de la République, d’anciens ministres. Tous ces personnages corrompus jusqu’à l’os, qui imputent à autrui leurs propres crimes et leurs propres malversations. La situation est telle qu’en Arménie plusieurs années de gestion rigoureuse et transparente seront nécessaires pour apurer les comptes. Que tous ceux qui ont dévalisé l’argent public restituent au pays les sommes illégalement perçues. Et que dire du représentant de la FRA Dachnaktsoutioun de France ? Il se précipita lui aussi à Erevan pour assister à une manifestation contre le gouvernement, réclamant la démission de Nikol Pachinian.

Les opposants avaient planifié leur action en exigeant la démission de N. Pachinian et la création d’un nouveau gouvernement. Ils ont désigné un dénommé Vasken Manoukian comme Premier Ministre pour former un gouvernement provisoire.

Lors de la manifestation d’Erevan dans laquelle il se trouvait, Vasken Manoukian eut l’audace de chercher à rameuter les policiers dans le camp des manifestants, en exigeant à la démission de Pachinian. Or, ceci constitue une grave faute politique, car le rôle de la police est d’assurer la sécurité de la population et non de jouer les troublions dans une cité. Aucun homme prétendant assumer les plus hautes charges de l’État ne peut ainsi dévoyer la force publique, à moins de vouloir ériger une dictature. En effet, dans les dictatures, la police, au service du pouvoir en place, peut ainsi arrêter sans justification n’importe quel opposant. Il arrive parfois que ledit opposant s’échappe avant l’intervention policière.

Nous sommes persuadés que l’Arménie réussira à surmonter cette épreuve. Avec le soutien de la diaspora, l’unité du peuple permettra à l’Arménie et à l’Artsakh de mener une vie paisible. L’amitié et la coopération avec la Russie est la pierre angulaire de la sécurité du peuple arménien.

Nersès Durman-Arabyan
Paris – 25/02/2021

La Turquie coincée entre les S-400 russes

La politique évolue parfois étrangement que le public n’y comprend plus grand-chose. Les ennemis d’hier deviennent les amis d’aujourd’hui et vice-versa.

Pour mémoire :

  • Membre de l’OTAN depuis février 1952, la Turquie, en est une solide composante. Entre 1950 -1953 lors de la guerre de Corée, elle a envoyé plusieurs contingents sur zone.
  • Le 2 juillet 1974, la Turquie envahissait la République de Chypre ; elle occupe jusqu’à aujourd’hui la partie nord de l’île où elle a installé une République fantoche.
  • Le 24 avril 1915, les Turcs avaient arrêté, déporté et assassiné plusieurs centaines de notables arméniens de Constantinople. Les noms de ces martyrs sont connus et sont désormais inscrits dans les archives historiques de la République d’Arménie. Après les massacres et les déportations des Arméniens sur leur sol natal, leurs maisons ont été récupérées par les Kurdes. Ce peuple vivait sur les terres de l’Arménie occidentale, entre l’Iran, l’Irak et la Syrie.

    Sous l’Empire, le « Hamidiyé Alayi » composé de Kurdes assurait la sécurité du sultan ; il fut utilisé par le pouvoir turc pour spolier les Arméniens. Dans les années 30, les Kurdes s’organisèrent pour faire valoir leur identité et leur droit à l’autonomie. Ils formèrent des organisations politiques comme le PKK, le parti des travailleurs du Kurdistan qui eut pour chef Öcalan. Celui-ci fut arrêté par les autorités turques, jugé et condamné à mort le 15 février 1999. Cependant, sa peine fut commuée en détention à perpétuité car, en tant que candidat à l’adhésion à l’Union Européenne, la Turquie ne pouvait exécuter un condamné. Depuis cette lors, Öcalan est emprisonné dans une île-prison dans la mer de Marmara.

    Contrairement aux Turcs, les Kurdes ont présenté aux Arméniens leurs excuses pour les crimes commis par leurs aïeux.

    • Le 20 mars 2003, lors de la guerre contre l’Irak, la Turquie ne donna pas l’autorisation aux Américains d’utiliser la base militaire d’Incirlik qu’elle leur avait loué pour faire décoller leurs bombardiers. Les Américains furent obligés d’emprunter un autre itinéraire pour leurs opérations.

Avec la bénédiction de l’Occident, le parfum du Printemps arabe embrasa l’Afrique du nord de la Tunisie jusqu’à la frontière de la Libye. Toutefois, les événements prirent une autre tournure ; la Libye fut un morceau plus dur à avaler ; le peuple était malgré tout attaché à son autoritaire dirigeant. Par conséquent, il fallut avoir recours à l’OTAN pour briser l’armée libyenne. À la suite de cette intervention, le président Kadhafi fut assassiné.

Après l’intervention de l’OTAN en Libye, le vent de la révolte traversa l’Égypte pour atteindre la Syrie le 15 mars 2011. Le printemps arabe échoua face à Bachar El Assad, président syrien. Ennemi de la Syrie, la Turquie ouvrit grand ses portes aux réfugiés syriens qui fuyaient les bombardements. Bachar El Assad avait signé avec la Russie des accords tant militaire que d’assistance technique et commerciale. Pour les Américains, ce morceau syrien fut indigeste. Profitant de l’opportunité de cette guerre, la Turquie mena plusieurs attaques contre les communautés kurdes à la frontière du pays.

Si les sites touristiques méditerranéens de Turquie attiraient de nombreux touristes russes chaque année, un événement inattendu vint troubler cette situation. Le 24 novembre 2015, un avion militaire russe fut abattu à la frontière de la Syrie et son pilote tué. Les rapports entre la Russie et la Turquie devinrent difficiles. L’assassinat de l’ambassadeur russe, Andreï Karlov, à Ankara le 19 décembre 2016 provoqua l’arrêt des relations diplomatiques entre les deux pays. Jadis, un tel événement aurait déclenché une guerre entre les deux pays.

Afin d’aplanir les tensions, la Turquie présenta ses excuses aux Russes. La géopolitique prenait le dessus sur ces événements et les rapports entre les deux pays se sont améliorés.

Membre de l’OTAN, la Turquie avait commandé 100 unités de F-35 américains le 28 août 2017. Les militaires turcs suivaient une formation spécifique pour piloter ces bombardiers. Entre temps, Ankara avait également commandé, le 12 septembre 2017, des fusées S-400 russes, efficaces intercepteurs de missiles et de bombardiers.

Les États-Unis s’opposèrent cette transaction, en exerçant un chantage sur la livraison des F-35 à la Turquie et en suspendant la formation des pilotes. En revanche, les militaires turcs s’entraînaient au maniement des S-400 russes. La Turquie se trouva entre les S-400 russes et les F-35 américains.

Par ruse, la Turquie pourrait gagner sur les deux tableaux. Ne conclurait-elle pas un accord avec les Américains en leur transmettant le secret de fabrication des S-400 russes qui avaient fait leur preuve au front pour contrer les performances des F-35 américains et nuire à leur vente sur le marché mondial ?

Voilà ci-après, une partie du document relevé le 28 juin 2019 dans Sputnik France dans la rubrique international « Erdogan confirme que Trump comprend les motivations de la Turquie concernant les S-400 russes.  En effet, en ce qui concerne les S-400, Monsieur Trump connaît très bien les soucis de la Turquie et pourquoi nous avons besoin de ce système et comment nous sommes arrivés à cet point », a tenu expliquer Recep Tayyip Erdogan.

Avant d’ajouter :

« Je crois que notre rencontre avec le Président américain lors du sommet du G20 sera important pour surmonter le point mort dans nos relations bilatérales et renforcer notre coopération.»

La fin de la livraison des S-400 en Turquie et la formation de spécialistes turcs par des militaires russes est prévue pour la fin de l’année 2019.

Nersès Durman-Arabyan
Antony, le 28 juin 2017

Diplomatie, espionnage ou guerre ?

Lors des cours de préparation au lycée, le colonel chargé de notre enseignement militaire disait : « Les ambassades et les consulats étrangers sont des institutions diplomatiques et aussi des foyers d’espionnage dans le pays. »

Affaire Cicéron – J. Mason & D. Darrieux

En 1943, l’affaire Cicéron fut un fait d’espionnage exemplaire, durant 9 mois consécutifs, le valet de l’Ambassade du Royaume-Uni d’Ankara fit passer aux diplomates allemands des photographies de haute importance. Cet événement fut baptisé « l’Affaire Cicéron ».

Lors de la Seconde Guerre de 1935-1945, la Turquie avait déclaré sa neutralité. Elle présentait par conséquent un terrain propice pour les affaires d’espionnage de toutes les parties belligérantes. Le peuple turc subissait, en outre, des restrictions, comme si le pays était en guerre.

Malgré une neutralité affichée, la Turquie fournissait à l’Allemagne des denrées alimentaires par wagons réfrigérés et des métaux comme du chrome, matière indispensable pour la fabrication d’armement.

Franz Von Papen, ambassadeur d’Allemagne en poste à Ankara, jouait un rôle primordial dans ses approvisionnements. Une tentative d’attentat contre lui fut déjouée. Deux russes, dénommés Pavlov et Kornilov, furent arrêtés et emprisonnés jusqu’à la fin de la guerre.

L’offensive de l’armée allemande contre l’Union soviétique atteignit son paroxysme lors de la bataille de Stalingrad.

En 1941, la Turquie (officiellement pays neutre) avait appelé sous les drapeaux 20 classes d’hommes de 25 à 45 ans issus des communautés arménienne, grecque et juive du pays. Dès lors, des familles entières furent séparées des hommes valides. L’armée turque avait aligné plusieurs divisions de soldats à la frontière avec l’URSS. L’attaque était prévue dès la chute de Stalingrad. Mais le 2 février 1943, l’armée allemande commandée par feldmarschall Friedrich Paulus capitulait. 

Après la défaite de l’Allemagne, les États-Unis (alliés pendant la guerre) cherchèrent à éprouver l’efficacité de la technologie militaire soviétique. Ils envoyèrent un avion d’espion de reconnaissance type U-2 au-dessus de l’URSS piloté par Francis Gary Powers, spécialement recruté par la CIA. Powers avait reçu des instructions précises au cas où son avion serait abattu. En effet l’avion espion U-2 fut intercepté dans l’espace aérien soviétique, le pilote américain fut capturé.    

Plusieurs années se sont écoulées depuis la fin de la guerre. Le 26 décembre 1991, l’URSS s’est disloquée. Le savoir-faire technologique du pays fut partagé parmi les 15 anciennes républiques soviétiques.

État fédéral, la Russie est la plus grande de ces anciennes républiques par sa superficie mais aussi la plus riche par sa technologie et ses ressources naturelles en hydrocarbures. Certes, au début, la transition s’est faite avec d’énormes sacrifices pour le peuple. Mais, actuellement, le niveau de vie s’est amélioré, et la Russie est devenue un pays attractif pour les investissements étrangers.

Ancien membre du KGB d’URSS, Vladimir Poutine préside au destin de la Russie. Chrétien orthodoxe, il ne manque pas une occasion d’honorer son église de sa présence lors des grandes occasions.

Le 1er mars 2018, avant les élections présidentielles, le candidat Poutine présenta pendant plus d’une heure son programme devant les membres de l’Assemblée Fédérale. La première partie de son exposé fut consacrée à l’amélioration du niveau de vie des citoyens et aux moyens financiers pour y parvenir ; la seconde partie concernait la défense du territoire. Contrairement à l’époque soviétique, il divulgua une panoplie de nouveaux armements qui avaient fait leurs preuves, lors de la guerre en Syrie.

L’exposé de V. Poutine aurait-il effrayé l’Europe et en particulier les États-Unis ? À l’inverse, le peuple russe qui avait subi dans sa chair les horreurs de la guerre était-il rassuré par l’exposé du futur candidat à la présidentielle ?

Début mars 2018, l’ex-espion russe Sergueï Skripal et sa fille étaient retrouvés empoisonnés à Salisbury. Immédiatement, la première ministre britannique, Theresa May accusa la Russie de cet attentat, lors du sommet des chefs d’États de l’Union Européenne. Le 18 mars 2018 V. Poutine fut réélu président avec un nombre des voix sans précédent.

Au vu de ces faits et à la veille de négociations importantes sur la fourniture de gaz et de l’ouverture de la coupe du monde de football en juin 2018 en Russie, quel intérêt pouvait tirer le président Poutine en éliminant par empoisonnement un ex-espion russe ? Sur le col empoisonné du manteau que portait Sergueï Skripal n’y avait-il pas une marque usée et à moitié effacée où l’on pouvait lire UK ?

La montée en puissance de la Russie inquiète les États-Unis d’Amérique. Une nouvelle crise financière se profile, menaçant les marchés boursiers. L’émergence des BRICS et de l’Eurasie redistribue les cartes. La Russie et les États-Unis iront-ils vers une entente ou une confrontation ?

Avant les élections en Russie, un journaliste étranger avait posé une question à Vladimir Poutine :
« Si les États-Unis déclenchent une guerre contre la Russie qui en sortira vainqueur ? »

La réponse ne tarda pas : « Ça sera la fin du monde. »

Ne faut-il pas bannir les guerres et chercher par les moyens diplomatiques une entente cordiale et une coopération entre les peuples en arrêtant le surarmement car la vie est le don le plus précieux des hommes ?

Nersès Durman-Arabyan
Antony – 30 mars 2018