1937 RÉFÉRENDUM DE HATAY [1] 2020 RÉFÉRENDUM DE CHYPRE ?

Le 22 juillet 1974, les forces armées turques attaquèrent l’île de Chypre et occupèrent 30% du territoire du pays.  Faisant fi de la décision du Conseil de Sécurité de l’ONU de libérer les terres conquises, les autorités d’Ankara continuèrent à installer des colonies turques sur les territoires chypriotes occupés. Cette partie de l’île proclama son indépendance et forma un gouvernement turc de Chypre. Depuis plus de 45 ans, Chypre reste coupée en deux.

Dernièrement, le président de la République Turque de Chypre, Mustafa Akinci a eu un entretien avec un journaliste anglais du Guardian ; il lui a fait des révélations sans précédent provoquant une indignation dans les milieux gouvernementaux de Turquie :

« En définitive, la Turquie désire avaler la république turque de Chypre en la réduisant à un département de Turquie, lui (Mustafa Akinci) ne deviendra pas un deuxième Tayfon Sökemen, président de la République de Hatay, quand en 1937 la Turquie organisa un référendum et transforma la République de Hatay en un département de la Turquie. »

Suivant les réflexions de Mustafa Akinci, il nous semble qu’afin de réunir les deux communautés de Chypre, grecque et turque, les autorités mixtes veulent mettre sur pied une République Fédérale de Chypre composée de deux gouvernements. Or le désir de la Turquie serait d’organiser un référendum dans la communauté turque de Chypre pour annexer la République turque de Chypre et pourquoi pas l’ensemble de l’île ?

Après le Génocide des Arméniens de 1915, avec 1,5 millions de victimes, certains rescapés continuaient de vivre sur leur sol natal au milieu des ruines de leurs églises et de leurs écoles détruites mais précieusement conservée car elles étaient les vestiges d’un passé millénaire en particulier dans le sandjak d’Alexandrette.

Cette région aujourd’hui connue sous le nom de « Hatay » où vivaient encore, en 1937, des Arméniens profondément attachés à leurs terres d’origine fut offerte à la Turquie. Cependant, Hatay conservait un statut de territoire autonome, c’est la raison pour laquelle, les autorités turques voulurent organiser un référendum pour annexer cette région ; elles escomptèrent obtenir l’adhésion des Arméniens de cette région. Une personnalité arménienne devait servir d’agent de liaison entre le pouvoir turc et le prélat de l’église arménienne. L’intermédiaire prit donc rendez-vous avec Monseigneur Kevork Arslanyan et lui transmit le vœu des autorités turques afin d’obtenir les votes des Arméniens lors du référendum. Il était explicitement demandé aux prêtres de se prononcer pour la Turquie lors des prêches et des homélies pendant les messes du dimanche dans les églises. Profondément ulcéré par cette requête, Monseigneur Kevork Arslanyan refusa d’accéder au souhait des autorités turques. La nouvelle du refus du prélat se propagea dans la ville de Hatay.

À cette époque, un pharmacien arménien du nom de Mihran Bursaliyan effectuait son service militaire dans l’armée comme officier (son fils Hamparsum fut mon camarade de classe à l’école arménienne d’Istanbul). Tout à fait par hasard, ce pharmacien entendit des rumeurs selon lesquelles un attentat se préparait contre Monseigneur Kevork Arslanyan.  Sans perdre une minute, Mihran Bursaliyan se précipita au domicile du prélat et lui conseilla de quitter rapidement le pays. Monseigneur Arslanyan accepta la proposition. Mihran Bursaliyan fit fabriquer un cercueil dans lequel Monseigneur Arslanyan s’allongea et, dans la nuit, le cercueil scellé fut transporté en Syrie. 

En 1940, un journal arménien fut distribué gratuitement dans la communauté arménienne de Hatay mais cela est une autre histoire.

Nersès D.- Arabyan
Paris le 23/02/2020

[1] Dans les livres de géographie des écoles de Syrie Hatay est désigné comme un territoire Syrien.

Version arménienne