La veille du 75ème anniversaire du souvenir de l’écrasement du nazisme et avant le défilé militaire du 24 juin 2020 sur la Place Rouge de Moscou, le Président russe Vladimir Poutine a rédigé une lettre ouverte dont vous trouverez ci-après un passage.
« Churchill a écrit dans un message adressé à Staline le 27 septembre 1944 que c’était ˵l’armée russe qui avait fait sortir les tripes de la machine militaire allemande.” Cette évaluation a trouvé écho dans le monde entier, parce que ces mots résument cette grande vérité que personne ne remettait alors en question. Presque 27 millions de Soviétiques ont péri sur les fronts et en captivité chez les Allemands, sont morts de faim et sous les bombardements, dans les ghettos et les fours des camps d’extermination nazis. L’URSS a perdu un citoyen sur sept, le Royaume-Uni un sur 127 et les États-Unis un sur 320. »
Durant la Seconde guerre mondiale, l’Arménie avait fourni 600.000 soldats et officiers à l’Armée Rouge parmi lesquels 300.000 sont tombés sur les champs de bataille de Stalingrad jusqu’à Berlin. À Berlin, ce sont les soldats arméniens du général Tamanyan qui hissèrent le drapeau de l’URSS au sommet du Bundestag.
Le 24 juin 2020, à Moscou, eut lieu un grand défilé militaire pour célébrer le 75ème anniversaire de la victoire sur l’Allemagne nazie. Bien que le Premier ministre d’Arménie, Nikol Pachinian n’ait pu y assister en raison de la pandémie du corona virus, un corps d’armée d’Arménie participa à la commémoration sur la Place Rouge à Moscou.
L’épidémie de la COVID19 n’ayant pas épargné l’Arménie, le gouvernement avait pris des mesures drastiques pour empêcher la propagation de la maladie. On pouvait dire que le pays se trouvait en état de guerre. Les autorités sanitaires étaient-elles à la hauteur pour mener à bien cette lutte contre un ennemi invisible à propos duquel mêmes les sommités mondiales ont peu de connaissances ?
Profitant de la situation dramatique du pays, les députés opposés à la politique du Premier ministre Pachinian multiplièrent leurs attaques contre le gouvernement, accusant les responsables du pays d’être incapables de juguler l’évolution de la maladie. En agissant de la sorte et en affaiblissant le gouvernement arménien, les opposants politiques ne jouent-ils pas le jeu de l’Azerbaïdjan qui n’attend qu’un prétexte pour attaquer de nouveau le pays ?
La première attaque émana d’un représentant du parti « Arménie Lumineuse ». Aux paroles agressives succédèrent des actes violents dans l’enceinte du parlement dont les images furent retransmises à la télévision.
Le lendemain, Nikol Pachinian prit la parole devant les députés et présenta la situation du pays. Il est à noter que depuis la Révolution de Velours, le gouvernement a changé et que toutes les réformes se sont faites dans le calme, sans effusion de sang. Le seul objectif des dirigeants reste l’amélioration du niveau de vie de la population, l’assainissement des finances publiques et la lutte contre la corruption.
Ce combat mené depuis quelques années a permis non seulement de redorer l’image de l’Arménie auprès des instances internationales, mais également de recevoir des investissements étrangers. Cependant, en observant l’attitude véhémente de certains députés, le Premier ministre avoua qu’il avait perdu une bataille ouvrant ainsi une brèche dans laquelle s’engouffra le président du parti « Arménie Prospère » en réclamant la démission de Pachinian sous prétexte de son incapacité à résoudre la crise du corona virus.
Ces opposants sont pour certains des hommes qui se sont engraissés durant l’époque soviétique et post-soviétique en accumulant des fortunes considérables sur le dos du peuple. Que dire de ces politiciens véreux qui ne sont en réalité que des sangsues monstrueuses laissant la population exsangue pour leur seul profit ?
Que penser de ce parti « Arménie Lumineuse » qui par son esclandre au Parlement arménien a définitivement éteint le phare qui commençait à briller dans le monde entier ?
Souhaitons que l’Arménie puisse se débarrasser au plus tôt de ces parasites bien enfouis sous les couches de la corruption, mais bien plus nuisibles semblent-ils que le coronavirus.
Les relations entre la Grèce et la Turquie ne sont pas au beau fixe ; c’est le moins que l’on puisse dire. La Turquie, pays de plus de 80 millions d’habitants, puissance régionale incontestable et qui se rêve en grande puissance, mène une politique agressive à l’égard de ses voisins. Cette politique, qualifiée de néo-ottomane depuis l’accession au pouvoir de Recep Tayyip Erdogan, prend des formes diverses, suivant les circonstances.
Cependant, une constante caractérise le comportement turc envers la Grèce : la pression permanente, sans relâche et sans répit. Une guerre hybride menée par la Turquie depuis des années.
L’instrumentalisation par la Turquie des migrants est le dernier épisode en date. En poussant, début 2020, des milliers d’entre eux vers la frontière grecque (maritime et terrestre), Ankara renforce considérablement la pression sur Athènes ; tout le monde a encore en tête les images de centaines de milliers de migrants débarquant sur les côtes des îles grecques de la mer Égée, avec son lot de drames…
Nombreux sont les analystes en géopolitique qui penchent vers l’existence d’un plan fomenté par les différents services turcs, maintenant une attitude agressive à l’égard de la Grèce.
Au-delà de l’instrumentalisation des migrants, la Turquie mène une autre attaque coordonnée et parallèle contre la Grèce. Il s’agit de la diffusion massive et ciblée d’informations dans les médias occidentaux, notamment ceux des Etats-Unis, du Royaume-Uni, de l’Allemagne et de la France, avec l’intention de déstabiliser la Grèce, en la décrédibilisant et en la présentant comme un pays hostile aux droits de l’homme et au droit d’asile.
Il s’agit d’une guerre qui ne dit pas son nom. La Turquie, par le lobbying et la désinformation tente de nuire à la Grèce, tentant par la même occasion de cacher ses propres insuffisances sur le respect des droits de l’homme, de l’État de droit, de la liberté de la presse et d’expression ; un soft power agressif en quelque sorte, qui essaie d’inverser la situation.
Ces fausses informations étaient relayées et appuyées par le sommet de l’État turc, au moment où la multiplication d’informations dans la presse était à son apogée. De cette manière la décrédibilisation de la Grèce s’accompagnait d’un « crédit » à l’égard de la Turquie et de ses dirigeants (en tout cas, c’était l’objectif turc).
Ce soft power du lobbying et de la diffusion de fausses informations, est utilisé en complément au hard power que constituent dans ce cas précis, les migrants. Et ce n’est pas un hasard si la grande majorité de ces migrants, qui se sont déplacés vers la frontière turco-grecque à l’appel du gouvernement turc, étaient des Pakistanais, des Afghans ou encore des Maghrébins. Les Syriens étaient bizarrement absents…
Les fausses informations qui ont circulé concernaient, entre autres, la mort par un tir grec d’un migrant, les tirs à balles réelles de la police et de l’armée grecques contre les bateaux des migrants, les vols purs et simples des biens des migrants, les trafics en tout genre, etc, etc…
De nombreux migrants ayant témoigné dans les médias (surtout occidentaux) étaient trop bien informés et capables de manier à merveille les ficelles de la communication pour être totalement exempts de suspicion d’être manipulés ou manipulateurs.
Sur ce point, un article du New York Times *(2) , daté 10 mars 2020, est un modèle du genre : il faisait état de « camps de détention secrets » opérés par les autorités grecques et d’utilisation de tirs à balles réelles, sur la base d’un témoignage d’un réfugié syrien. Ensuite, le journal a été obligé de rectifier car le « réfugié syrien » avait en réalité un passeport turc !
La stratégie du gouvernement turc est, à mon sens, évidente : « constituer des abcès aux portes de l’Europe » et « organiser régulièrement des intrusions » afin de maintenir la pression et le climat de guerre contre la Grèce et la pression permanente sur le vieux continent.
L’objectif étant toujours le même : obtenir le plus possible tant au niveau économique et financier que politique avec un éventuel soutien face à la Russie (aussi bien sur le front syrien que libyen).
D’ailleurs, les demandes de Recep Tayyip Erdogan auprès de Bruxelles ont été claires : obtenir plus d’aide économique pour faire face au problème des réfugiés, obtenir la libéralisation des visas d’entrée dans l’Union européenne pour tous les citoyens turcs et, enfin, débloquer les négociations d’adhésion de la Turquie dans l’UE avec, dans un premier temps, l’ouverture de cinq chapitres de l’acquis communautaire. Ce dernier point mérite une petite explication supplémentaire : les cinq chapitres demandés par la Turquie sont ceux que la République de Chypre bloque unilatéralement car la Turquie ne reconnait pas Chypre et n’applique pas l’Union douanière qu’elle a avec l’Union, à Chypre. Cela équivaut à une demande turque d’écarter Chypre et d’ignorer l’existence de l’occupation turque de la partie nord de l’île, territoire, rappelons-le, faisant partie de l’Union européenne.
Une autre information importante sur les migrants vivant en Turquie n’a pas fait l’objet de la couverture médiatique qu’elle méritait : non seulement la Turquie laisse (ou plutôt, pousse) les migrants à se rendre à la frontière grecque, mais également elle déploie des renforts pour empêcher la Grèce de repousser les migrants.
La grande crainte de l’Union européenne, et surtout des pays situés en première ligne, c’est-à-dire les pays frontaliers de la Turquie, c’est d’avoir à affronter une agression turque. En clair, la crainte de la Grèce et de Chypre, c’est que la Turquie, en proie à de problèmes internes – économiques et politiques – et en proie à des problèmes au niveau de ses interventions extérieures où elle a récemment connu la défaite, ne cherche à tout prix à obtenir un succès militaire, une victoire « extérieure ».
*(1) D’après un article de l’auteur, paru dans Europe & Orient, No 30, janvier-juin 2020.
*(2) ‘We Are Like Animals’: Inside Greece’s Secret Site for Migrants
LA RECONNAISSANCE ET UNE JUSTICE ÉQUITABLE POUR NOS MORTS
L’existence des Arméniens est avérée dès 721 avant Jésus Christ avec le royaume d’Ourartou. A son apogée, en 70 avant Jésus Christ, le royaume d’Arménie s’étendait jusqu’au royaume de Judée. Pendant des siècles, les royaumes d’Arménie, ou les principautés arméniennes coexistèrent aux côtés des grands empires romain, parthe ou perse. Dès l’an 301, l’Arménie avait opté pour le christianisme comme religion d’État. Dans le tumulte des guerres régionales, elle fut envahie par les Perses, les Mamelouks, les Russes et les Turcs. Ce n’est qu’au 12ème siècle que les Turcs regroupés en deux tribus « Ak koyunlular » les Moutons Blancs et « Kara Koyunlular » les Moutons Noirs venant d’Asie Centrale firent leur apparition en Anatolie. Au fil des conquêtes, ils déployèrent leur mainmise sur trois continents, l’Europe, l’Asie et le nord de l’Afrique, qu’ils érigèrent en Empire Ottoman sur plus de 2 millions de Km².
En 1915, durant la Grande Guerre qui opposait l’Allemagne, l’Empire austro-hongrois et leur allié l’Empire Ottoman à la Russie, l’Angleterre et la France, le gouvernement Jeune Turc décida d’ arrêter, de spolier, d’ exécuter les notables arméniens de Constantinople puis de déporter les Arméniens d’Anatolie vers les camps de concentration de Syrie .
Le 25 octobre 1917, la révolution bolchevique éclata en Russie sous l’impulsion de Lénine. Le tsar destitué, le régime passait sous l’autorité du parti communiste. Suite à ces bouleversements, les soldats russes qui occupaient le Caucase et une partie de l’Arménie orientale regagnèrent leurs foyers, sans prendre leurs armes. Cela permit aux Turcs de récupérer tout le matériel militaire laissé sur place par leurs ennemis.
Avançant progressivement, l’armée turque récupérait les terres arméniennes délaissées par les Russes. Dans ses mémoires, le général turc Kâzim Karabekir écrivit que, dans chaque village arménien traversé et abandonné par ses habitants, ses soldats trouvaient des vivres en quantité abondantes et pouvaient se reposer dans les maisons. Il avoua que, sans cela, son armée n’aurait pu faire un pas de plus.
Après l’armistice, la première République d’Arménie fut créée le 28 mai 1918 avec la bénédiction des Turcs, de l’Europe et des États-Unis.
Dans son livre de La République d’Arménie édité en 1928, Simon Vratsyan rapportait entre autres que : « D’Erevan (capitale de l’Arménie), les canons turcs étaient visibles. L’Arménie était devenue exsangue ; la moitié de la population était composée de rescapés des massacres. »
Le 29 novembre 1920, l’Arménie rentrait dans le giron Soviétique.
Pendant 70 ans, les Arméniens connurent un âge d’or, malgré les atrocités du régime stalinien. Après l’implosion de l’URSS, la République d’Arménie fut constituée, le 21 septembre 1991.
A ce jour, une trentaine de pays au Monde a reconnu le Génocide des Arméniens mais la Turquie continue à nier cette vérité historique.
À l’époque, si les Turcs avaient agi intelligemment après l’éclatement de l’Empire Ottoman, débarrassés de leur nationalisme dévastateur pour mettre en œuvre un État Fédéral composé de Turcs, d’Arméniens, de Kurdes, de Grecs et de Juifs, l’Anatolie serait devenue un paradis au Moyen Orient. Il aurait largement dépassé la Suisse.
Les peuples du Monde doivent comprendre que leurs différends ne peuvent se régler par des guerres. C’est en générant les liens directs et solides, et par de franches discussions que les problèmes seront à jamais résolus.
Le 5 mai 2020, Nouvelles d’Arménie Magazine a publié en ligne un article intitulé « Les Justes Turcs, un trop long silence » est un documentaire du journaliste Romain Fleury (ci-dessus), diffusé ce 25 avril à 21h à la RTBF. Il raconte l’histoire de ces Turcs qui, faisant face aux ordres de massacres des Arméniens en 1915, décidèrent de désobéir. Ils se sont élevés contre l’injustice, au risque de leur vie. Descendant d’une famille arménienne sauvée par des Justes, le narrateur exhume ces histoires d’entraide, nées au cœur de la barbarie, avec l’aide de Laurence d’Hondt (ci-dessous). Cela fait plus d’un siècle que la Turquie refuse de reconnaître sa responsabilité dans le génocide arménien et (…)
Nous attirons l’attention du public sur le fait que le 10 juin 2018, l’association MAFP avait partagé un article d’un journaliste turc, publié dans le journal Marmara d’Istanbul. La version française fut diffusée par nos soins, il y a 2 ans. Malheureusement aucun média arménien en France n’avait daigné s’en faire écho ; aujourd’hui, cela revient sous le titre des « Justes Turcs ».
Force est de constater que dans notre communauté nous
n’avons pas une représentativité digne de ce nom car nous sommes
systématiquement ostracisés quel que soit le sujet abordé. Une certaine presse
se préoccupe davantage de ses intérêts personnels que l’intérêt général.
Après le Génocide des Arméniens de 1915, les rescapés
installés en France depuis 4 générations n’ont toujours pas réussi à dépasser
leurs querelles intestines et à s’organiser pour faire valoir une vraie
représentativité dans le pays. Le Génocide a trop souvent été utilisé comme tremplin
par les partis politiques et les fractions d’associationscommunautaires.
Le 22 juillet 1974, les forces armées turques attaquèrent l’île de Chypre et occupèrent 30% du territoire du pays. Faisant fi de la décision du Conseil de Sécurité de l’ONU de libérer les terres conquises, les autorités d’Ankara continuèrent à installer des colonies turques sur les territoires chypriotes occupés. Cette partie de l’île proclama son indépendance et forma un gouvernement turc de Chypre. Depuis plus de 45 ans, Chypre reste coupée en deux.
Dernièrement, le président de la République Turque de Chypre, Mustafa Akinci a eu un entretien avec un journaliste anglais du Guardian ; il lui a fait des révélations sans précédent provoquant une indignation dans les milieux gouvernementaux de Turquie :
« En définitive, la Turquie désire
avaler la république turque de Chypre en la réduisant à un département de
Turquie, lui (Mustafa Akinci) ne deviendra pas un deuxième Tayfon Sökemen,
président de la République de Hatay, quand en 1937 la Turquie organisa un
référendum et transforma la République de Hatay en un département de la Turquie. »
Suivant les réflexions de Mustafa Akinci, il nous semble qu’afin de réunir les deux communautés de Chypre, grecque et turque, les autorités mixtes veulent mettre sur pied une République Fédérale de Chypre composée de deux gouvernements. Or le désir de la Turquie serait d’organiser un référendum dans la communauté turque de Chypre pour annexer la République turque de Chypre et pourquoi pas l’ensemble de l’île ?
Après le Génocide des Arméniens de 1915, avec 1,5
millions de victimes, certains rescapés continuaient de vivre sur leur sol
natal au milieu des ruines de leurs églises et de leurs écoles détruites mais
précieusement conservée car elles étaient les vestiges d’un passé millénaire en
particulier dans le sandjak d’Alexandrette.
Cette région aujourd’hui connue sous le nom de « Hatay » où vivaient encore, en 1937, des Arméniens profondément attachés à leurs terres d’origine fut offerte à la Turquie. Cependant, Hatay conservait un statut de territoire autonome, c’est la raison pour laquelle, les autorités turques voulurent organiser un référendum pour annexer cette région ; elles escomptèrent obtenir l’adhésion des Arméniens de cette région. Une personnalité arménienne devait servir d’agent de liaison entre le pouvoir turc et le prélat de l’église arménienne. L’intermédiaire prit donc rendez-vous avec Monseigneur Kevork Arslanyan et lui transmit le vœu des autorités turques afin d’obtenir les votes des Arméniens lors du référendum. Il était explicitement demandé aux prêtres de se prononcer pour la Turquie lors des prêches et des homélies pendant les messes du dimanche dans les églises. Profondément ulcéré par cette requête, Monseigneur Kevork Arslanyan refusa d’accéder au souhait des autorités turques. La nouvelle du refus du prélat se propagea dans la ville de Hatay.
À cette époque, un pharmacien arménien du nom de Mihran Bursaliyan effectuait son service militaire dans l’armée comme officier (son fils Hamparsum fut mon camarade de classe à l’école arménienne d’Istanbul). Tout à fait par hasard, ce pharmacien entendit des rumeurs selon lesquelles un attentat se préparait contre Monseigneur Kevork Arslanyan. Sans perdre une minute, Mihran Bursaliyan se précipita au domicile du prélat et lui conseilla de quitter rapidement le pays. Monseigneur Arslanyan accepta la proposition. Mihran Bursaliyan fit fabriquer un cercueil dans lequel Monseigneur Arslanyan s’allongea et, dans la nuit, le cercueil scellé fut transporté en Syrie.
En 1940, un journal arménien fut distribué gratuitement dans la communauté arménienne de Hatay mais cela est une autre histoire.
Nersès D.- Arabyan Paris le 23/02/2020
[1] Dans les livres de géographie des écoles de Syrie Hatay est désigné comme un territoire Syrien.
La religion chrétienne se propagea par l’entremise des apôtres mais elle se heurta aux religions déjà existantes. La religion dominante du christianisme fut le catholicisme qui a pour chef spirituel le pape dont le siège se trouve à Rome. Les églises protestante, orthodoxe et apostolique arménienne font également partie de la famille du christianisme.
En Arménie, durant la période païenne, le roi Apkar fut atteint d’une maladie incurable. Apprenant qu’un homme nommé Jésus réalisait des miracles grâce à des sermons, il sollicita son aide pour se rétablir.
Jésus envoya donc au roi d’Arménie deux de ses apôtres Thaddée et Bartholomée, et miraculeusement le roi Apkar recouvra la santé suite à leur visite, il se convertit alors au christianisme. Cependant après la mort de ce dernier, le paganisme accentua son influence en Arménie.[i]
Le
retour en force de la religion païenne eut pour conséquence la persécution des
chrétiens et plus particulièrement celle de Saint Grégoire l’Illuminateur qui
fut arrêté et jeté dans la fosse de Khor
Virab où il demeura durant plusieurs années. Lorsqu’il fut libéré, St
Grégoire l’Illuminateur était en bonne santé malgré une incarcération très
dure. Il est fort probable que des
chrétiens parmi ses fidèles, lui apportèrent de la nourriture pour survivre.
Les autorités arméniennes en l’an 301, sous le règne de Tiridate III, décidèrent de faire de la religion chrétienne la religion d’État. Ainsi, l’Arménie devenait le premier État chrétien. Cependant si l’État était devenu chrétien, il n’en allait pas forcément de même pour tous les habitants du pays qui continuaient par habitude à se rendre dans les lieux de culte païens délaissant les nouveaux édifices chrétiens. Pour résoudre ce qui constituait un problème important pour les autorités, une seule solution émergea celle de détruire tous les temples du paganisme et de construire les églises chrétiennes sur leurs vestiges. Ainsi, l’Eglise-mère arménienne, St Etchmiadzine se dresse sur les fondations d’un temple païen. Le seul édifice ayant échappé à la destruction fut le temple de Garni.[ii]
Aujourd’hui dans le monde, 90% des Arméniens se revendiquent de la religion apostolique mais parmi eux se trouvent aussi beaucoup de non croyants qui se rendent à l’église pour les fêtes religieuses par tradition plus que par croyance. Les autres Arméniens sont catholiques ou protestants.
L’Eglise apostolique arménienne est sous la tutelle du Catholicos de tous les Arméniens qui réside à Etchmiadzine. La hiérarchie de l’Eglise est la suivante : Kahana, Prêtre marié. Apegha, Prêtre célibataire (Le prêtre célibataire s’il prépare une thèse peut devenir Vartabed). Vartabed, Docteur en théologie (Maître). Yebiskopos, Évêque. Arkyebiskopos, Archevêque. Badriark, Patriarche et Gatoghigos, Catholicos. Nous n’évoquerons par les apéras (abbés) et autres hauts dignitaires religieux qui représentent néanmoins une masse importante du clergé arménien.
Intéressons-nous
maintenant aux étudiants des universités de théologie et de l’école Djemaran
qui, après leurs études, seront amenés à de hautes responsabilités religieuses.
Seul le prêtre a, dans la religion apostolique arménienne, le droit de se marier et de fonder une famille. La femme du prêtre est appelée Yeretsguine ce qui signifie à la fois âgée et supérieure. Devenu veuf, un prêtre peut accéder à la fonction de Vartabed, on le nommera dans ce cas Chouchtag vartabed. Les mères des hauts dignitaires religieux sont appelées Diramaïr.
Un
jeune étudiant en théologie est avant tout un être humain pourvu de tous les
sens et ayant des besoins vitaux. Il peut oublier ou occulter ses envies et ses
besoins mais il reste avant tout un homme avec ses faiblesses et ses
tentations. Nous pensons donc que cette obligation du célibat des prêtres est
erreur et que tous les prêtres devraient avoir le droit de se marier à l’instar
des curés pour sauvegarder la culture et défendre la religion arménienne. Napoléon
1er supprima, lorsqu’il s’imposa en Italie au XIXème
siècle tous les ordres religieux à l’exception de l’institution Mekhitariste des Arméniens de Venise
considérant que ce lieu était avant tout un lieu culturel.
Notre
sollicitation publique pourrait annihiler tous les maux, toutes les dérives immorales
qui aujourd’hui dans le monde empoisonnent les milieux cléricaux.
[i]
Si l’Arménie
était restée chrétienne, elle aurait constitué le premier État chrétien
contemporain de Jésus.
[ii]
A l’entrée du
parc de Versailles, près de la statue du roi Louis XIV, se dressent les statues
de deux illustres rois d’Arménie Tiridate III et Tigrane.
Lors de la Grande Guerre, l’Empire ottoman, allié à l’Allemagne, mit à profit l’opportunité du conflit pour arrêter et exécuter plus de 600 notables Arméniens de Constantinople le 24 avril 1915. Cette rafle fut le prélude du génocide des Arméniens de l’Arménie occidentale.
Massacres, déportations vers les camps de Syrie, marches forcées, viols allaient causer la mort d’un million et demi d’hommes, de femmes et d’enfants. Les biens des Arméniens furent spoliés, leurs maisons, dans lesquelles selon le commandant turc Kâzim Karabekir les soldats turcs trouvèrent beaucoup de vivres, confisquées et leurs églises détruites.
Le peuple arménien disparaissait d’Anatolie et les traces
ancestrales de leur passé sur cette terre évanouissaient aussi.
Certains Arméniens qui avaient fui les persécutions turques
trouvèrent refuge en Arménie russe. Cependant, la Révolution bolchévique
d’octobre 1917 provoqua le retrait des armées russes des régions occupées
d’Anatolie orientale et la menace turque pesa à nouveau sur les Arméniens. En
effet, le 28 mai 1918, l’Arménie déclara son indépendance mais cette 1ère
République ne devait durer que deux ans car les intérêts géopolitiques
divergents des Occidentaux d’une part et des Bolchéviques d’autre part,
permirent aux Turcs de mettre en application leur projet d’anéantissement de la
nation arménienne. Selon les dires du Premier ministre arménien Simon
Vratzian : « Les canons turcs étaient visibles depuis Erevan. »
Conscients du risque de disparition définitive de la nation
arménienne à cause des intrigues des États occidentaux, des Arméniens
clairvoyants et pragmatiques sollicitèrent l’aide de la Russie. La 11ème
armée rouge pénétra en Arménie afin de stopper l’avancée des Turcs. La Seconde
République d’Arménie fut proclamée le 29 novembre 1920 et le pays entra dans le
giron de la famille soviétique. La petite République allait commencer à
redresser son économie et se reconstruire malgré la perte de deux
territoires : l’Artsakh et le Nakhitchevan.
La Seconde Guerre Mondiale contre l’Allemagne nazie allait
bouleverser la vie du pays. En 1942, lorsque les combats faisaient rage à
Stalingrad entre les armées soviétique et allemande, la Turquie, qui avait
pourtant proclamé sa neutralité, n’attendait que la défaite de l’URSS pour se
ruer sur la petite République d’Arménie. La Turquie avait aligné 26 divisions à
sa frontière pour attaquer l’Arménie. La victoire soviétique de Stalingrad
sauva l’Arménie d’un assaut turc dévastateur. Il faut cependant rappeler que
l’Arménie fut l’une des Républiques de l’URSS à donner proportionnellement à sa
population le plus de soldats et d’officiers, soit 600.000 combattants au sein
de l’Armée soviétique. 300.000 d’entre eux tombèrent sur les champs de
bataille.
Pendant 70 ans, l’Arménie soviétique vécut en paix, malgré
la période sombre des persécutions staliniennes dont furent victimes des
écrivains et artistes arméniens et certaines vicissitudes du régime soviétique.
Le pays connut un certain âge d’or dans les domaines économique, culturel,
scientifique et sportif.
Après
l’effondrement de l’URSS, l’Arménie déclara son indépendance, le 21 septembre
1991 et elle est également membre de l’Organisation des Nations Unies.
Nous souhaitons que l’année prochaine, le 29 novembre 2020, les autorités de la République d’Arménie célèbrent le 100ème anniversaire de l’Arménie soviétique dont l’existence a sauvé le peuple arménien de la disparition.
L’invasion turque en Syrie maintes fois annoncée par le président turc Recep Tayyip Erdogan a été lancée. L’ensemble des acteurs dans la région ont semblé pourtant surpris. Si l’on examine les différentes données, les explications sont flagrantes. Cette attaque répond tout d’abord à un aspect impératif de politique intérieure d’Erdogan : les élections municipales – notamment celle d’Istanbul – ont montré les limites de l’erdoganisme. D’abord, l’usure du pouvoir, accompagnée d’une crise économique réelle, renforcée par la présence de 3,6 millions de réfugiés syriens, montre les limites du modèle économique turc qui a longtemps fourni au président turc un argument de poids. Ensuite, l’extrême polarisation de la société turque apparait au grand jour avec son lot de frustrations de plus en plus nombreuses, au sein de l’opposition laïque et kémaliste. Enfin, la perte de vitesse et de poids dans le conflit syrien, faisait craindre au gouvernement turc une éviction pure et simple de ce théâtre majeur d’opération géopolitique, menant éventuellement à la création d’une entité kurde le long de la frontière sud du pays avec la Syrie, longue de plus de 900 kilomètres.
Patrouille turque à Kobané
Les objectifs turcs
Officiellement, la Turquie souhaite créer une zone de sécurité à sa frontière avec la Syrie ; dans l’esprit d’Erdogan cela implique d’en chasser les Kurdes et d’y installer une grande partie des réfugiés syriens sunnites, actuellement sur le sol turc. De cette manière il règle le problème kurde syrien et se débarrasse des réfugiés.
Cependant, procéder au remplacement des populations kurdes du nord de la Syrie par des populations arabes créera un problème qui perdurera dans le temps, avec des frustrations de part et d’autre. Car, comment ces populations arabes pourront-elles se maintenir dans cette région sans le soutien actif de la Turquie ? Et si la Turquie réussit à réaliser cette « zone de sécurité », devra-t-elle rester sur place pour longtemps, peut-être pour toujours ? Cela me fait penser au problème de la division de Chypre. En 1974 la Turquie a mis en avant un beau prétexte pour envahir et occuper la moitié de l’île de Chypre : la restauration de l’ordre constitutionnel et la protection de la communauté chypriote turque ; elle n’a fait ni l’un ni l’autre. Elle a cessé de reconnaitre la République de Chypre et elle a submergé la communauté chypriote turque avec des colons amenés de Turquie, justement pour modifier la structure démographique de l’île et contrôler la communauté chypriote turque. La Turquie est depuis cette date présente sur l’île, avec une armée de plus de 40 000 soldats. Elle n’aura aucune raison d’agir différemment en Syrie, accomplissant un peu plus le rêve ottoman du raïs. Une deuxième possibilité est aussi l’annexion de ce territoire syrien un peu sur le modèle d’Alexandrette.
N’oublions pas, par ailleurs, que la théorie du néo-ottomanisme a survécu politiquement à son initiateur – Ahmet Davutoglu, ancien bras droit d’Erdogan, évincé du pouvoir car il faisait de l’ombre au sultan – qui considérait que seuls deux faits majeurs positifs étaient à mettre au crédit de la République turque kémaliste : l’annexion d’Alexandrette et l’occupation de Chypre.
Pour comprendre le comportement de la Turquie d’Erdogan, revenons un peu en arrière : Tancrède Josseran, dans un très bon article sur la nouvelle politique étrangère turque, intitulé Turquie : repenser l’Empire (https://www.diploweb.com/Turquie-repenser-l-Empire.html) précise : « La République turque a été consacrée en 1923 par une double rupture politique et culturelle. En faisant table rase du passé théocratique et cosmopolite de l’Empire ottoman, Mustafa Kemal. Miroir négatif de l’identité turque, l’islam a été extirpé de la mémoire collective. Religion civique du nouvel État, la laïcité est devenue le point de départ et d’aboutissement obligatoire du projet d’ingénierie sociale des élites kémalistes ». Davutoglu, l’homme qui a théorisé la nouvelle politique étrangère turque, estimait que le retrait et le désintérêt marqué d’Ankara pour l’ancien espace ottoman a créé un décalage. Il considérait que la Turquie moderne née des révolutions menées par Atatürk n’avait rien accompli de bon, excepté l’invasion de Chypre et l’annexion d’Alexandrette.
Afin de situer la question kurde en Turquie, rappelons-nous que la Turquie kémaliste cherchant à homogénéiser son espace national, promulgue dès l’année suivant la déclaration de la République, une loi interdisant toutes les écoles, associations et publications kurdes. L’existence du peuple kurde était niée et sa langue interdite. Des centaines de milliers de Kurdes étaient déportés ou massacrés.
La légère amélioration apparente de la dialectique de l’AKP depuis son accession au pouvoir en 2002 a été vite balayée par le refus de reconnaitre vraiment le fait kurde et de discuter, avec le PKK et les autres forces politiques kurdes, de l’avenir. Le président turc a instrumentalisé la question kurde à maintes reprises, comme par exemple en 2015 lorsqu’il a lancé une véritable guerre contre les Kurdes dans les régions orientales de la Turquie, afin d’exacerber les sentiments nationalistes des Turcs et gagner les élections avec une majorité lui permettant de changer la constitution et transformer le régime en présidentiel, chose faite en avril 2017, par référendum.
L’invasion turque en Syrie ne date pas du 9 octobre 2019
Depuis le début de la crise syrienne, la Turquie d’Erdogan a joué sa propre partition. Sa position ambigüe à l’égard de l’État islamique avait commencé à sérieusement agacer les États-Unis et la coalition internationale. Après les tergiversations initiales et après avoir permis à des milliers de djihadistes de passer en Syrie par la Turquie, permettant aussi l’armement de ces djihadistes, Erdogan a fait mine de soutenir réellement la coalition internationale contre l’État islamique ; il a permis aux Américains d’utiliser leurs bases en Turquie pour frapper l’État islamique et il a même indiqué que la Turquie allait participer aux frappes de la coalition. Néanmoins, le monde stupéfait et impuissant assistait aux frappes turques en Irak ; hélas (encore une fois) pas contre l’État islamique mais contre les Kurdes, seule force terrestre se battant réellement contre l’État islamique !
Parallèlement, la Turquie réclamait la création d’une zone d’exclusion au nord de la Syrie, demande qui n’a pas été acceptée, ni par la coalition internationale, ni par la Russie (dans un premier temps). La Turquie souhaitait en réalité barrer la route aux Kurdes syriens et les empêcher de faire la jonction entre tous les cantons kurdes, notamment celui d’Afrine avec les régions kurdes situées à l’est de l’Euphrate. La hantise du président turc n’était pas le développement de l’EI ; c’était plutôt la création d’une entité autonome homogène kurde au nord de la Syrie.
Le 24 août 2016, ce fut la prise de Djarabulus, à l’ouest de l’Euphrate, non loin de la frontière turco-syrienne. Au nom de la lutte contre le terrorisme, l’objectif principal de la Turquie était en réalité l’élimination des Kurdes des unités de protection du peuple (YPG), le bras armé du Parti de l’union démocratique (PYD), affilié au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), en guerre contre Ankara depuis 1984.
Tolérée par la coalition internationale, l’incursion de l’armée turque marquait un nouveau tournant dans la guerre en Syrie. Baptisée « Bouclier de l’Euphrate », elle avait pour cible non seulement l’État islamique, mais aussi les combattants kurdes. Il était aussi plus qu’évident que sans l’aval russe cette incursion turque en territoire syrien n’aurait pas été possible.
Le succès de l’opération semble avoir été précédé d’un échange de bons procédés : les Turcs cessaient de soutenir les groupes islamistes qui tenaient la partie orientale d’Alep permettant ainsi la prise de la ville par les forces d’Assad soutenues par la Russie ; de leur côté, les Russes permettaient l’invasion turque. Les deux pays (Russie et Turquie) sortant gagnants : la Russie contrôlait la ville symbolique d’Alep et elle était plus que jamais l’acteur majeur dans le conflit syrien et la Turquie empêchait la jonction des deux régions kurdes de Syrie mettant un terme aux velléités de création du Rojava au nord de la Syrie. Les Kurdes étaient de nouveau les vrais perdants.
C’est dans la même logique que nous devons chercher une explication à l’invasion turque à Afrine, début 2018. Le canton kurde du nord-ouest de Syrie, coupé du reste de la région kurde syrienne, était une cible idéale pour la Turquie. L’attaque turque a coïncidé avec l’attaque de l’armée syrienne, soutenue par la Russie, contre la région tenue par l’État islamique de La Goutta. Dans cette région il y avait entre autres, des « rebelles » syriens soutenus par la Turquie. Lorsque la Russie a permis à l’aviation turque d’attaquer Afrine, la Turquie a ordonné aux groupes islamistes syriens de La Goutta qu’elle contrôlait de se retirer ; c’était du donnant-donnant, comme dans le cas d’Alep. La prise d’Afrine n’a pas été de tout repos. L’offensive turque a duré un mois et quand le contrôle de la région fut total, la politique de nettoyage ethnique a été mise en place. La population kurde de la ville et de la région d’Afrine a été chassée, remplacée par des rebelles islamistes, soutenus par la Turquie.
Cet échange de bons procédés avec la Russie est très probablement en train de se renouveler avec la dernière invasion turque : la province d’Alep est en ligne de mire du régime d’Assad et de la Russie. La réaction plus que modérée de cette dernière à l’invasion turque laisse clairement entrevoir cette possibilité.
De son côté, la Russie a tout à y gagner : d’un côté elle récupère des régions entières de la Syrie et de l’autre, elle crée de plus en plus de problèmes aux États-Unis et à l’OTAN. La commande turque des S400 russes en est le dernier volet de cette tentative russe de déstabilisation de l’OTAN par l’instrumentalisation de la Turquie. Et quand on connait l’esprit pratique d’Erdogan et les revirements successifs qu’il a opérés depuis sa prise de pouvoir, on peut légitimement penser que cet épisode n’est pas le dernier…
Le 9 octobre 2019, la Turquie envahit le nord de la Syrie avec l’intention clairement déclarée de remplacer la population kurde par une population arabe et « sécuriser » ainsi sa frontière syrienne.
Le lâchage des Kurdes par les États-Unis a ouvert la porte aux velléités expansionnistes turques. Cet acte américain répond probablement à un impératif stratégique de l’administration Trump : pour l’administration Trump, l’ennemie dans la région c’est l’Iran. En permettant indirectement aux Turcs d’envahir la Syrie, ils tentent de sauver ce qui peut encore l’être. C’est-à-dire que le moment venu, les États-Unis pourront demander à la Turquie son soutien face à l’Iran, mettant en avant le fait d’avoir retiré leurs soldats du kurdistan syrien permettant ainsi l’opération turque.
De son côté, le président turc, comme à son habitude, répond aux difficultés intérieures par une guerre extérieure, avec la volonté évidente de fédérer tous les nationalismes turcs sous son leadership et continuer ainsi à régner sur le pays ; la perte de Constantinople lors des dernières élections l’a poussé dans cette direction…
Contraints et forcés devant l’attaque turque, les forces kurdes n’ont pas voulu jouer la même partition qu’à Afrine. Cette fois les Kurdes ont demandé de l’aide à Assad. En réalité l’attaque turque est instrumentalisée par le régime syrien et au-delà par Poutine, actuellement seul maître du jeu sur le théâtre syrien. En quelques jours, les troupes loyalistes syriennes ont occupé et continuent à avancer dans le territoire que les Kurdes occupaient depuis presque cinq ans. Par exemple, malgré les déclarations aux accents nationalistes d’Erdogan, l’armée turque ne parait pas en mesure d’entrer dans Manbij. Les troupes d’Assad, soutenues par les Russes, ont pénétré mardi 15 octobre, dans la ville, qui occupe un emplacement stratégique dans la région.
Par ailleurs, il serait vraiment étonnant que les Turcs osent s’opposer aux troupes d’Assad et, par conséquent, indirectement aux Russes. Il est également plus que probable que l’aval russe à l’invasion turque en Syrie soit accompagné par un autre service que la Turquie doive rendre à Assad : la région d’Idlib où les troupes loyalistes syriennes ont pris pied et où l’armée turque et ses affidés syriens n’ont pas pu imposer la pax turca.
Dans les faits, Erdogan pourra aller jusqu’à là où Poutine le laisse aller… Cependant, une inconnue demeure sur l’échiquier régional : l’imprévisibilité du président turc, qui, s’il ne peut pas présenter une victoire à son peuple en relogeant une partie des 3,6 millions de Syriens réfugiés en Turquie dans la zone kurde nettoyée, connaîtra une crise interne importante.
Arrivé en France en 1948, je résidais, durant ma période estudiantine, au Pavillon arménien de la Cité Universitaire du boulevard Jourdan à Paris dans le 14ème.
En tant que membre de l’association sportive arménienne appelée HMEM, nous nous réunissions tous les dimanches dans un stade situé dans le quartier de Cadet à Paris 9ème. Après leur échauffement, les garçons jouaient au Volley Ball, les filles au Basket.
Notre équipe de Volley était composée de jeunes de 18 à 25 ans. Certains noms me reviennent en mémoire comme ceux de Charles Gérard, Aram Karniguian, Antranik Alekian, Puzant Arabian, Yertvart Djénazian, Daronyan. Mais j’ai malheureusement oublié nos autres co-équipiers.
Un jour d’entrainement au stade, Aram Karniguian
manqua à deux reprises son service. Très en colère, Charles Gérard l’interpella
en arménien : « Dzo hayvan
sa toppe chidak nédé » qui une fois traduit donnerait quelque chose du
genre : « Eh abruti envoie ce
ballon correctement ». Aram qui était issu d’une famille de fins
lettrés en langue arménienne lui répondit sans se démonter : « Baron, hayvan yes tchem ayl toukek »,
ce qui se traduirait par : « Monsieur,
sachez que l’abruti ce n’est pas moi mais bien vous », une réponse qui
provoqua une grande hilarité chez Charles qui adorait déjà les belles
répliques.
Je me souviens également d’une autre
anecdote comique concernant Charles Gérard. Alors qu’il rendait visite à une de
ses parentes, Mme Kazazian, rescapée du génocide des Arméniens, au cours du repas
cette dame demanda à Charles s’il avait enfin trouvé du travail et comme ce
dernier répondit par la négative, elle lui déclara sèchement qu’à son âge les
hommes devaient tirer du pain de la pierre (c’est-à-dire qu’ils devaient
travailler dur et gagner leur vie), ce à quoi Charles rétorqua de façon
narquoise qu’en l’occurrence, lui, il
trouvait parfois des pierres dans le pain.
Après tant d’efforts néanmoins, Charles accéda
à la reconnaissance dans le cinéma, il pouvait ainsi répondre à Mme Kazazian
que lui aussi avait réussi à extraire du pain de la pierre.
Un jour, après un match de Volley, Charles
m’invita à déjeuner dans un restaurant et, sachant que j’étais étudiant en
électricité, me proposa un travail. En effet, Charles Gérard était déjà bien introduit
dans les milieux télévisé et cinématographique. Il savait qu’on avait souvent
besoin d’un électricien sur les plateaux ; il souhaitait que je rejoigne
l’équipe technique.
Cependant, mon camarade Antranik était beaucoup
plus apte à accepter cette offre, étant très proche de sa famille, je n’ai pas
voulu prendre une place qui aurait pu lui revenir ; j’ai donc refusé la
proposition de Charles.
Un dimanche, alors que nous devions célébrer le soir l’anniversaire de l’Arménie soviétique à la salle Pleyel, nous jouions le matin même face à une équipe de la préfecture de police de Paris. Malheureusement, nous avons perdu le match mais pouvions-nous l’avouer à la direction du HMEM qui faisait partie du comité d’organisation de la soirée d’anniversaire avant la cérémonie au risque de gâcher la fête ? Notre équipe s’est présentée à la soirée en disant que nous avions porté haut les couleurs du HMEM. Cher Charles Gérard, tu nous as quittés aujourd’hui, mais ton souvenir restera vivant dans nos cœurs.
Antony, le 21 septembre 2019 Nersès Durman-Arabyan
Une langue avec ses subtilités et ses tournures de phrases est très difficile traduire dans une autre langue. La langue arménienne fait partie de cette catégorie. Néanmoins, nous présentons ci-joint une traduction française en espérant respecter l’esprit de la version originale.
Cordialement Nersès
Il y a quinze ans, Nelly alliant vitalité, beauté et vertu fut victime sur son lit d’hôpital d’un assassin sournois tapi dans l’ombre qui, détruisant son corps, la conduisit de vie à trépas.
Mais son esprit comme son souvenir rayonnent comme un flambeau ardent dont la lumière éclaire la mémoire de sa famille et celle du grand cercle de ses amis.